C’était à l’occasion d’une soirée artistique marquant la célébration de la journée internationale de l’avortement sûr qui se tient chaque 28 septembre de l’année.
Comme il est de tradition depuis cinq ans, la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Cameroun (SOGOC) a organisé une série d’activités dans le cadre de la journée internationale de l’avortement sûr qui se tient chaque 28 septembre de l’année.
Cette année, pour accentuer son plaidoyer pour un avortement sécurisé, la SOGOC a opté pour une soirée artistique avec en vitrine du slam et un débat sur le sujet mettant sur la scène des jeunes élèves et étudiants qui sont formés dans la prise de parole en public.
Ces jeunes ont durant une vingtaine de minutes démontré comment mettre sous le feu des projecteurs ce sujet qui reste encore tabou dans notre société.
A travers son slam (forme de poésie orale performative), la jeune artiste Moon Girl a su exposer cette thématique et par la même occasion à relever qu’il est important de ne pas garder le silence et mourir a causes de certains jugements de la société.
La soirée artistique organisée le vendredi 26 septembre 2025 au restaurant cabaret le dinero à Yaoundé, était une fois de plus l’occasion de lancer le cri de détresse de la SOGOC, soucieuse du taux de mortalité maternelle qui est en partie lié aux avortements clandestins et à l’absence de soins après avortement.
Ce nouveau « call to action » de la SOGOC a été ponctué par plusieurs prises de parole.
Dans son propos liminaire, Dr Anny Ngassam, Secrétaire Générale adjointe de la SOGOC, a relevé l’importance de cette journée qui vient davantage rehausser les nombreuses activités et actions entreprises par la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Cameroun.
Elle a indiqué que le thème de la journée internationale de l’avortement sûr 2025 qui est placé sous le thème : “L’Avortement Sûr est un Soin de Santé Salvateur.”, est un appel à prendre conscience de la nécessité de sauver des vies à tout prix.
Elle dit :« Cette journée nous appelle à reconnaître la vérité fondamentale selon laquelle l’accès à un avortement sûr est un élément essentiel des soins de santé reproductive complets et une question de vie ou de mort pour de nombreuses femmes et filles au Cameroun et dans le monde. L’avortement non sécurisé reste un contributeur significatif à la mortalité et à la morbidité maternelles dans le monde, et le Cameroun n’échappe pas à cette réalité. L’Organisation mondiale de la Santé estime que les avortements non sécurisés représentent environ 14 % des décès maternels au Cameroun, un chiffre qui se traduit par des centaines de décès évitables chaque année. De nombreuses femmes souffrent également de complications à long terme telles que l’infertilité, des douleurs chroniques et des traumatismes psychologiques, conséquences des lois restrictives et de l’accès limité à des services sûrs. Au Cameroun, la législation et les procédures administratives entourant l’avortement sont complexes et restrictives. Cela entraîne souvent des retards ou un refus pur et simple des soins d’avortement sûrs, obligeant de nombreuses femmes à recourir à des méthodes dangereuses. Les conséquences sont graves et touchent de manière disproportionnée les populations vulnérables, y compris les adolescentes et les femmes vivant en milieu rural. Cette crise de santé publique souligne l’urgence d’améliorer l’accès aux services d’avortement sûrs comme partie intégrante des soins de santé salvateurs… »
Dr Ngassam a également souligné le fait que les obstacles bureaucratiques actuels doivent être démantelés pour garantir que les femmes puissent obtenir des soins sans délais ni intimidations inutiles. – Sensibiliser et fournir des informations précises aux femmes, filles et communautés concernant les lois sur l’avortement au Cameroun.
Elle a aussi évoqué le fait que la stigmatisation et la désinformation sont des fléaux qui affectent également le plaidoyer pour l’avortement sécurisé, et ce qui est un frein dans la lutte contre les avortements clandestins.
« A cette fin, SOGOC Cameroun s’engage à : – Plaider pour la simplification des procédures nécessaires à l’accès aux services d’avortement sûrs. La désinformation et la stigmatisation empêchent souvent les femmes de rechercher des soins, et l’éducation est essentielle pour les autonomiser. – Engager les décideurs politiques, les institutions de santé et la société civile pour pousser à des réformes qui alignent le cadre légal du Cameroun sur les normes internationales en matière de droits reproductifs et de santé. Un élément crucial de cet effort implique les prestataires de soins de santé, qui se trouvent en première ligne des soins de santé reproductive. » a souligné Dr. Ngassam Anny
Le message de la Secrétaire générale adjointe par ailleurs porte-parole de la SOGOC a cet évènement était adressé à tous les acteurs clés et qui se doivent de militer pour les droits des femmes et jeunes filles.
« À nos collègues de santé, nous faisons un appel solennel : maintenez les plus hauts standards de soins et de compassion. Fournissez des services d’avortement sûrs sans discrimination, jugement ou peur. Protégez la confidentialité et la dignité des femmes recherchant des soins. Votre rôle est indispensable pour réduire les décès maternels évitables et protéger la santé des femmes. Au gouvernement et aux décideurs politiques, nous vous exhortons à agir de manière décisive pour simplifier et élargir l’accès aux services d’avortement sûrs. Intégrez les soins d’avortement pleinement dans le système de santé national en tant que service essentiel. Rationalisez les procédures légales pour réduire les obstacles qui retardent ou empêchent l’accès. La vie des femmes dépend de votre engagement en faveur de la réforme. À la société civile et aux organisations communautaires, vos efforts continus de plaidoyer et d’éducation sont vitaux. Dissiper les mythes, réduire la stigmatisation et soutenir les femmes dans l’accès à ces services. Aux femmes et filles du Cameroun, sachez ceci : vous n’êtes pas seules dans ce combat. Votre santé, votre autonomie et votre dignité comptent. Nous sommes fermement à vos côtés pour exiger l’accès à des soins d’avortement sûrs, respectueux et complets, car l’avortement sûr est effectivement un soin de santé salvateur. Alors que nous commémorons cette Journée Internationale de l’Avortement Sûr, renouvelons notre engagement à briser le silence, à lutter contre la stigmatisation et à faire avancer les politiques et pratiques qui garantissent qu’aucune femme ne meurt ou ne souffre à cause d’un avortement non sécurisé ».
Ces multiples activités de plaidoyer qui se tiennent à travers le triangle national connaissent des avancées grâce au projet dénommé : Plaidoyer pour l’avortement sécurisé (PAS) aussi connu comme « Advocacy for comprehensive abortion care ACAC » en anglais.
Le chef dudit projet, Rita Yenjong a, quant à elle indiqué le fait que jusqu’ici plusieurs actions se concrétisent sur le terrain grâce aux rencontres initiées avec certains acteurs et les médias, cependant les procédures administratives sont compliquées.
Elle a apprécié le fait que les jeunes élèves et étudiants de « Talent House Speakers » conviées a cette journée de commémoration ont pu mettre en lumière la thématique sur l’avortement sécurisé de manière simple, et facile à appréhender.
Rita Yenjong souligné que : « Je sais que le sujet est très sensible. Et avoir des jeunes, des étudiants de l’université, qui débattent dessus, c’est aussi quelque chose d’intéressant. Juste pour souligner encore une fois de plus que c’est un plaidoyer pour sauver des vies. Nous n’encourageons pas l’avortement. Ce n’est pas ce que nous faisons à la SOGOC. Notre projet s’appuie sur le plaidoyer pour des services d’avortements sécurisés pour celles qui sont éligibles dans le contexte de la loi camerounaise. Nous n’en avons que deux pour le moment ; nous ne voulons pas en ajouter plus. Nous nous basons par exemple sur les survivantes de violences, des viols qui sont enceintes, et décident de faire un avortement. Ce qui signifie que vous pouvez être violée et vous êtes enceinte, et vous ne voulez pas avorter, c’est toujours bien. Mais si vous décidez d’avorter, il est important de savoir que la loi vous soutient. Nous disons aussi à SOGOC que les procédures administratives pour les cas éligibles sont un peu coûteuses. Parce que quand vous êtes violée, et peut-être que vous n’avez pas pris de médicaments, comme il a été souligné lors des échanges, et que votre cas est avancé. Vous devez aller à l’hôpital, vous avez un rapport médical, vous allez à la police, vous recevez un rapport de police, vous allez au tribunal, et le tribunal doit attester que c’était un viol, et vous prenez l’information à l’hôpital avant que les services d’avortement sécurisés puissent vous prendre en charge. Nous, à la SOGOC, nous disons que ces procédures administratives sont compliquées… »
Selon les données du ministère de la Santé publique de 2018, le Cameroun enregistre 406 décès pour 100 000 naissances vivantes. A nos jours, le taux de mortalité maternelle reste toujours malheureusement élevé. Et selon la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Cameroun (SOGOC), 1 décès maternel sur 4 est dû aux complications d’avortement au Cameroun.
Elise Kenimbeni