La Société des gynécologues et obstétriciens du Cameroun (SOGOC) a réuni son réseau de partenaires ce 1er décembre 2025 à Yaoundé, pour la poursuite d’un plaidoyer national visant à promouvoir l’accès à l’avortement médicalisé, dans le but de réduire la mortalité maternelle liée aux pratiques clandestines.

C’est une initiative qui intervient dans un contexte où les enjeux de santé publique, les normes sociales et le cadre juridique se heurtent de plein fouet.
Briser le silence autour d’une réalité meurtrière
Au Cameroun, la question de l’avortement demeure l’une des plus sensibles du débat public. Dans une société où la sexualité féminine reste souvent taboue, où la parole des femmes est limitée par des normes sociales parfois rigides, et où parler de santé reproductive constitue un véritable défi.
Dans le but de mieux informer les décideurs publics sur les enjeux de santé et de droits des femmes au Cameroun, la Société des gynécologues et obstétriciens du Cameroun (SOGOC), en collaboration avec son réseau de médias, a, une fois de plus, saisi l’occasion ce 1er décembre 2025 à Yaoundé pour davantage accentuer son plaidoyer en faveur de l’avortement médicalisé.
Ce plaidoyer qui entre dans le cadre du projet avortement sécurisé (PAS) a été mis en vitrine en ce début de mois de décembre suite à une série d’activités lancées le 28 novembre dernier par la SOGOC, et pour commémorer comme il est de tradition les 16 jours d’activisme pour la lutte contre les violences basées sur le genre.

Prenant la parole lors de la session, Dr. Ngassa Anny, Secrétaire Générale adjointe de la SOGOC, a rappelé que cette démarche n’a pas pour but de banaliser l’avortement, mais de sauver des vies. « Nous sommes réunis pour trouver la manière adéquate d’aborder la question de la santé et des droits de la femme. Parmi ces droits, la femme a droit à la santé, à l’éducation, notamment en matière de santé reproductive », a-t-elle déclaré.
Lutter contre les pratiques non sécurisées
Sur le plan scientifique, les experts de la SOGOC rappellent que l’avortement médicalisé est une procédure sûre lorsqu’elle est réalisée dans un cadre médical approprié. À l’inverse, les avortements clandestins pratiqués par des personnes non compétentes engendrent des infections, des hémorragies sévères et des complications irréversibles.
Les gynécologues soulignent que l’objectif n’est pas de promouvoir l’avortement, mais de réduire la mortalité maternelle, qui reste l’un des indicateurs de santé les plus alarmants du pays.

Selon le Dr. Ngassa, plusieurs femmes, particulièrement des femmes mariées, ne jouissent pas pleinement de leur autonomie reproductive. Les lois actuelles, jugées très restrictives, compliquent l’accès à une prise en charge sécurisée. Même les rares dispositions légales qui autorisent l’avortement dans certains cas restent difficiles à appliquer, en raison de procédures longues et complexes.
Cette situation favorise le recours à des pratiques clandestines dangereuses. La SOGOC alerte : une femme sur trois meurt au Cameroun des suites de complications liées à un avortement non sécurisé, réalisé par des personnes non qualifiées. Une statistique alarmante qui alimente l’urgence du plaidoyer. « Nous ne voulons pas vulgariser l’avortement. Nous voulons lutter contre la mortalité maternelle. Les questions de santé ne se décident pas seulement dans les hôpitaux, mais au niveau des autorités publiques. Il nous faut donc réfléchir aux termes adéquats pour leur faire comprendre que nous ne sommes pas contre les lois du pays, mais que nous présentons une réalité : nos femmes meurent faute d’accès à des soins médicalisés », a insisté Anny Ngassa.
Un enjeu politique : un cadre légal restrictif à revisiter
Le Cameroun dispose d’un cadre légal extrêmement restrictif en matière d’avortement. Bien que la loi prévoie quelques exceptions notamment en cas de viol ou de danger pour la santé de la mère, les procédures à suivre sont longues, complexes et peu accessibles, surtout en zones rurales.

Toutes ces explications ont été mises en exergue par le représentant du ministère de la justice, Fernand Fonkui, magistrat, qui a fait une revue sur l’aperçu des lois spécifiques sur les droits sexuels et reproductifs dans quelques pays africains dans la perspective d’une approche adaptée au Cameroun : une lecture du point de vue juridique.
Cette situation pousse de nombreuses femmes à contourner le système et à se tourner vers des praticiens informels.
Pour la SOGOC, le nœud du problème se situe au niveau des décisions politiques. Les professionnels de santé peuvent diagnostiquer, alerter et proposer des solutions, mais le pouvoir d’agir repose essentiellement entre les mains des autorités publiques.
« Les questions de santé ne se décident pas seulement dans les hôpitaux. Ce sont les autorités et le gouvernement qui définissent le cadre légal. Il nous faut donc leur présenter ces réalités avec des mots justes pour qu’ils comprennent que notre démarche n’est pas contre les lois, mais pour sauver des vies », a indiqué le magistrat.

À travers cette initiative, la SOGOC espère ouvrir un dialogue constructif avec le gouvernement, les parlementaires et les acteurs sociaux afin de mieux encadrer l’avortement médicalisé et garantir aux femmes un accès sécurisé aux soins de santé reproductive.
À titre de rappel, ces activités qu’organise la SOGOC sont couplées à la commémoration des 16 jours d’activisme au Cameroun et font partie d’une campagne mondiale de sensibilisation et d’action qui vise à éliminer la violence basée sur le genre envers les femmes et les filles.
Cette initiative se déroule chaque année du 25 novembre (Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes) au 10 décembre (Journée des droits de l’homme).
Au Cameroun, elle vise à sensibiliser le public, à promouvoir des lois et des pratiques plus sûres et à soutenir les victimes.
Myriane Djamegne
