Il s’agit des violences en direction des travailleuses de sexe (TS) durant la période d’Octobre 2021 à Septembre 2022, tel que l’a relevé dans son rapport, l’association Horizons Femmes le Mardi, 18 octobre 2022 à Yaoundé au cours d’un atelier de plaidoyer.

Photo credit: Serge Mve

C’est une initiative qui attise les convoitises, celle mise sur pieds par l’association Horizons Femmes et son partenaire Sidaction qui ont convié à la table des discussions les forces de maintien de l’ordre (FMO) et les leaders communautaires notamment les chefs de quartiers et villages, afin de les amener à cerner les enjeux liés à leurs attitudes /actions sur la prise en charge du VIH chez les populations clés (PC), notamment les travailleuses de sexe et davantage susciter leur engagement dans la réduction du stigma et des violences basées sur le genre (VBG) envers les TS/PC dans l’exercice de leurs fonctions.

Cette activité qui entre dans le cadre des 16 jours d’activisme qui se tiennent du 25 Novembre au 10 Décembre de chaque année, a pour objectif principal, de créer un environnement favorable à la réduction du stigma et des violences qui sont des embuches à la jouissance des droits humains.

La rencontre de ce mardi 18 octobre 2022 à Yaoundé fait partie des quatre (4) ateliers de plaidoyer organisé par Horizons Femmes dans ses différentes antennes de Douala, Bafoussam, Ebolowa et Yaoundé.

Réduire les violences à tout prix

Cette campagne qui non seulement vient à point nommé au vu de la recrudescence des violences basées sur le genre au Cameroun, est aussi une occasion pour Horizons Femmes de réaffirmer son engagement dans la réduction des inégalités de genre à travers la promotion de la santé communautaire, des droits et de la gouvernance démocratique ainsi que la promotion socio-économique de la femme et de la jeune fille.

Ouvrant l’atelier de plaidoyer au nom de Madame Ngatchou Denise, Présidente Exécutive de Horizons Femmes, la Directrice des programmes, Carole Toche a indiqué dans son propos liminaire que cette activité de plaidoyer en direction des forces de maintien de l’ordre et leaders communautaire est capitale dans le sens que ce sont des acteurs clés dans leurs différentes campagnes de sensibilisation.

Elle dit : « Le plaidoyer que nous faisons ne vise pas à dire que les leaders communautaires violentent les filles et femmes ou encore que les forces de maintien de l’ordre sont des auteurs de violences en faveur des travailleuses de sexe mais c’est simplement pour dire que nous devons travailler ensemble et surtout en partenariat afin de réduire ces violences basées sur le genre. C’est vrai que nous faisons déjà beaucoup de choses ensemble mais nous pensons qu’il est temps de rendre ces actions plus coordonnées, dans le but de faire reculer ces violences. »

Madame Toche Carole, la Directrice des programmes a également évoqué l’atteinte des objectifs de l’accélération de la riposte contre le VIH/SIDA à travers les trois 95(95-95-95) de l’ONUSIDA et qui nécessite un environnement sain dans lequel les VBG sont réduites a leur plus simple expression.

« Comme vous le savez, si nous voulons vaincre la lutte contre le VIH/SIDA, nous devons également faire reculer les violences basées sur le genre parce que la violence est un frein à la santé, la violence est un élément perturbateur dans la prise des médicaments des personnes vivants avec le VIH (PVVIH). Nous ne pouvons que réguler la pandémie à travers la lutte contre ces violences… » a martelé Madame Toche.

D’après la présentation faite par Madame Pasma Ngoumjouen Rosalie, Responsable du centre d’écoute de Horizons Femmes, c’est au total 4942 cas de violences recenses durant la période d’Octobre 2021 a Septembre 2022. Ces violences basées sur le genre(VBG) qui sont sont reparties ainsi qu’il suit: violences physiques 650, violences sexuelles 83, violences économiques 1333 et violences émotionnelles 2876 cas.

Nécessité de sensibiliser et d’accentuer le plaidoyer

Au cours de la rencontre, les différents acteurs et actrices se sont exprimés sur le vécu et les réalités que ceux et celles-ci font face au quotidien avec les TS.

Les forces de maintien de l’ordre ont souligné le fait que lorsque les interpellations se font à des heures tardives dans les rues, plusieurs des cibles n’ont pas des cartes nationales d’identités, ce qui entrave leur travail qui est de veiller à l’ordre et la sécurité publique ainsi qu’au respect des lois.

Des propos recueillis de ces acteurs durant les échanges, il y’a aussi le fait qu’ils subissent de la part de ces jeunes filles et femmes des agressions verbales et qui parfois conduit aux interpellations de ces dernières.

Au-delà de la sensibilisation quotidienne que mène Horizons Femmes, la réalité sur le terrain reste tout de même triste au vu des exactions que certains de ces acteurs commettent régulièrement.

Rosalie Pasma Ngoumjouen, Responsable du centre d’écoute de Horizons Femmes, nous confie que certaines sont très souvent victimes des abus jusqu’à dans leurs chambres. Elle dit que plusieurs sont même violées par les FMO qui usent de leur autorité et par des clients qui font recours aux muscles.

« Au quotidien nous enregistrons des cas de violences des travailleuses de sexe pour celles qui réussissent à dénoncer car d’autres ne le font pas pour des raisons évidentes, et parmi lesquelles il ya la peur. Par exemple, lors des patrouilles, elles sont raflées par les FMO et même dans leurs chambres. Les portes des chambres sont souvent vandalisées pour récupérer ces dernières. Il faut dire qu’elles sont très souvent arrêtées sur le simple fait de leur habillement et non dans le cas de l’exercice, encore que s’il faut les arrêter, il faut les prendre sur le fait, or ce n’est pas le cas… » dit Rosalie.

Gisèle, la quarantaine est une TS et paire éducatrice. Elle a révélé le fait que durant plus de dix (10) ans d’exercice, elle a subi des violences de la part des FMO et de des clients.

« Lorsqu’un policier vous arrête et menace de vous jeter en prison, nous sommes obligées de faire profil bas et d’exécuter tout ce qu’il nous demande de faire. Plusieurs de ces policiers ne se cachent pas, ils vous disent ouvertement de payer en billets de Francs CFA ou en nature. Face à cette situation, que faire ? Perdre une soirée en étant enfermée où exécuter sa demande ? Il n’ya pas de choix à faire car une nuit en cellule c’est un manque à gagner pour moi et ma famille… »

Selon Rosalie Pasma, s’il y’a un point clé sur lequel l’association ne lésine pas en terme de moyens et de ressources humaines, c’est la sensibilisation. L’association qui au fil des années continue de batailler pour le respect des droits de populations clés a également mis en œuvre des mécanismes pour réguler le secteur ceci via de nombreuses stratégies qui sont palpables.

« La sensibilisation reste et demeure une activité phare pour Horizons Femmes. Nous les accompagnons dans l’éducation à la citoyenneté. Nous les répétons qu’elles doivent se munir des cartes nationales d’identités, être conformes et respecter les FMO qui viennent vers eux. Cependant lorsqu’il ya une violation de leurs droits, nous les encourageons à dénoncer ces abus et violences qu’elles subissent… »

La Directrice des programmes, Carole Toche a ajouté aux sorties de la rencontre, que l’association Horizons Femmes, qui prône le genre et le respect des droits des couches vulnérables notamment des jeunes filles et femmes mène une action citoyenne et ne fait pas la promotion du travail de sexe.

« Nous sommes en train de mener des actions citoyennes. Nous ne faisons pas la promotion du travail de sexe mais en tant qu’organisation de défense des droits de femmes, nous avons le devoir de protéger la femme quel que soit où celle-ci se trouve. C’est pour cette raison que nous menons ce plaidoyer. Nous ne pouvons pas prétendre faire reculer la pandémie en ne travaillant pas avec les travailleuses de sexe qui sont une cible importante et avec un taux de séroprévalence élevé à 20%… » Dixit Carole Toche.

Des pistes de solutions

Durant les échanges, les différents acteurs présents ont émis le vœu de voir les VBG réduites pour le bien-être de ces filles et femmes qui vivent des dépressions, le stress et sont victimes de stigmatisation ainsi que de la discrimination dans la communauté, les cellules familiales et institutions publiques.

 René Ateba, Secrétaire Général à la chefferie de 3eme degré du quartier Nkoldongo 6 situé dans l’arrondissement de Yaoundé 4, a souhaité que des comités de vigilance soient mis en place. Ceux-ci selon lui, vont permettre de lutter contre ces violences qui sont grandissantes.

Ils ont suggéré à Horizons Femmes d’accentuer la sensibilisation de tous les acteurs de la chaine et de mettre sur pieds une ligne ouverte pour la dénonciation des cas de violences.

Il en ressort également des échanges, que les TS doivent davantage être outillées sur les lois punitives pour non possession des CNI et ce que réserve le code pénal camerounais dans ses articles 294 et 343 en matière de criminalisation de leur métier.

19 ans au service des communautés

A titre de rappel, Horizons Femmes est une organisation à but non lucratif qui existe depuis 2003 et qui a pour mission d’accompagner les mutations sociales en faveur de l’égalité des genres, dans les secteurs de forte vulnérabilité pour les femmes et la jeune fille.

Présente dans quatre (4) régions du Cameroun, ses actions s’articulent autour de la santé communautaire, la bonne gouvernance, l’autonomisation socio-économique, l’environnement et protection de la nature, ainsi que la Paix, Sécurité et Action Humanitaire.

Elise Kenimbeni

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