Au Cameroun, plusieurs femmes notamment dans certaines régions du pays comme à l’Ouest sont victimes de stigmatisation et de discrimination pour des problèmes d’infertilité.

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Lydie âgée de 48 ans aujourd’hui et mère de deux enfants a souffert le martyr dans sa belle-famille à cause des problèmes d’infertilité. Cette dame issue de la région de l’Ouest Cameroun s’est mariée à l’âge de 30 ans, et a du coup développé l’envie d’être maman. Malgré plusieurs essais, elle n’arrivait pas à concevoir et a dû faire recours à un gynécologue pour un suivi médical. Cependant, dans son couple, il ya quelques anomalies qui sont détectées chez son conjoint, celui-ci rejette la faute sur sa compagne, et décide de la quitter des mois après.

« Il a refusé qu’il avait un problème bien que, nous avons consulté un médecin. Nous nous sommes accordés après et avions même organisé un voyage à l’étranger pour qu’il aille se soigner mais pour lui ça été une aubaine pour finalement partir. Il m’a laissé ici au pays, raison qui a été à un moment le déclic derrière notre séparation. C’est lui qui avait introduit la procédure de divorce étant de l’autre côté. » dit-elle.

Lydie ajoute que la famille de son conjoint n’a cessé de jeter le tord sur elle pourtant jusqu’à ce jour ce dernier n’a pas toujours d’enfant du fait du déni qu’il a un problème de fécondité.

Stigmatisation et discrimination dans la communauté

Ayant nourri ce besoin d’être maman à tout prix, du fait des railleries et injures dans sa belle-famille, Lydie n’a pas perdu espoir. Elle a consulté le médecin une fois de plus afin de s’assurer qu’elle n’avait aucun problème et ensuite s’est mise dans de nouvelles relations. Celles-ci n’ont pas produit des fruits et son médecin lui propose la fécondation in vitro et Lydie décide de partager avec ses proches cette nouvelle, qui semble être son dernier recours vu l’âge avancé, mais elle est découragée.

Elle dit : « Lorsque je parle de cette option à certains proches de la famille, ils me disent, non ça va aller mais entretemps je vis ma situation personnellement, c’est mon problème. Et ce que les autres savent c’est que je n’ai pas d’enfant et ils ne peuvent pas savoir quels sont les dessous. Qu’est ce qui se dit ?  Est-ce que c’est médical ? Est-ce à la suite d’un avortement ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Quels sont les regards que certains me lancent au quotidien ? »

Issue d’une communauté où l’on accorde beaucoup d’importance à la maternité, au mariage et en général aux valeurs de la tradition, Lydie nous dit qu’elle a vécu ce problème différemment dans son entourage bien qu’à un moment elle a été un sujet de railleries.

« Ma famille regardait sans rien dire. Les collègues de service s’en moqueaint, j’étais parfois un sujet de railleries. Ils parlaient de leurs enfants, démontraient leur fierté. Et lorsqu’ils étaient devant moi ils évoquaient le sujet juste pour me mettre mal à l’aise. Et dans la famille, les attitudes étaient mitigées, entre ceux qui étaient désolés et par respect ne disaient rien et ceux qui se moquaient de moi ouvertement. Ils valorisaient certaines cousines qui ont des enfants. J’ai vécu le mépris à mon endroit, des agressions verbales et j’encaissais des mots déplacés. »

Autre victime rencontrée c’est, adèle (nom d’emprunt) âgée de 56 ans aujourd’hui qui est également originaire de la région de l’Ouest plus précisément du département de la Mifi. Celle-ci malheureusement n’a pas eu la chance de procréer mais a été victime de stigmatisation dans sa communauté.

« Je viens d’une famille royale dans la région de l’Ouest et durant plusieurs années j’ai subi des pressions de la part de mes oncles et tantes qui m’ont élevé, m’ont envoyé en mariage à l’âge de 26 ans. Durant mes nombreuses années de mariage, je n’ai pu avoir d’enfant. Mon mari a épousé deux autres femmes des années plus tard. Celles-ci ont donné naissance à 4 et 6 enfants respectivement, et je suis devenue durant des années la risée du foyer. Manque de respect et insultes ont été mes repas au quotidien. A l’âge de 38 ans, j’ai dû fuir mon foyer pour avoir la paix. Même ma famille ne m’a pas facilité la tâche, elle m’a déstabilisé et j’étais juste un arbre sans racine pour elle… » dit-elle.

Adèle qui n’a pas voulu parler de son cas en profondeur du fait d’un traumatisme psychologique, nous a indiqué qu’elle a perdu goût à la vie et a coupé tout contact avec ses proches.

Elle dit : « J’avais tout fait pour sauver mon mariage mais la volonté du bon Dieu n’a pas été exaucée. J’ai perdu espoir et je n’ai plus jamais eu un partenaire bien que partie de mon foyer conjugal. J’ai accepté mon destin… C’est Dieu ! Quoi d’autre ? »

Attentes et Espoir

Du côté de Lydie, cette dernière nous a confié que sa situation n’a pas été facile à un moment, elle a voulu se rendre en Europe aussi pour un autre suivi médical ou d’adopter des enfants lorsqu’ elle avait atteint l’âge de 40 ans.

Elle indique que : « J’ai écrit un livre autobiographique : « Ma beauté, ma souffrance » dans lequel je me pose des questions. Pourquoi je n’accouche pas ? Et lorsque j’ai eu 40 ans en 2014, j’ai pris ma toute petite nièce qui vivait désormais avec moi. Je lui ai donné tout l’amour d’une mère car ma sœur me l’avait donné pour combler le vide que je vivais. Et je me suis dit, si Dieu a fait grâce de me donner un emploi assez bien rémunéré pourquoi pas accompagner un enfant qui est dans le besoin. »

Une attente qui n’a pas était de tout repos selon Lydie. Entre prières et actions caritatives, et même de l’amour témoigné à sa petite nièce, ces gestes telle que le dit Lydie, lui ont porté chance. Et trois ans après, le miracle de Dieu survient, Lydie devient maman à 43 ans. Elle donne naissance à des jumeaux.

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Elle nous a avoué que toutes les personnes qui se sont moquées d’elle étaient très honteuses lorsqu’elle a donné naissance.

« Cela se voyait dans leurs attitudes. Beaucoup me fuient, ne prennent pas part aux cérémonies d’action de grâce pour les enfants. La belle famille est encore plus honteuse car leur fils s’est remarié et depuis plus de 15 ans, ils n’ont pas encore d’enfants. Ils ont surement compris que c’est leur fils le problème… » affirme-t-elle.

Accompagnement des Femmes victimes de stigmatisation

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Sur le terrain, il ya des associations de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) qui militent pour un suivi psychologique de ces types de cas avec la mise en place des cliniques psycho-sociales. Parmi ces associations, il ya l’association APROJED, qui promeut les droits des femmes, des jeunes filles et garçons et lutte contre les violences faites aux femmes et jeunes filles. Cette association basée à Bafoussam dans la région de l’Ouest du Cameroun, au-delà de ses nombreuses missions, a opté pour l’accompagnement de ces femmes qui sont victimes de stigmatisation et de discrimination de suite d’infertilité.

« En fait, lors de nos descentes sur le terrain pour sensibiliser les femmes et jeunes filles sur les VBG nous avions eu certaines femmes qui nous ont approché après pour nous faire part de leur situation en couples. La pression qu’elles subissent de leurs conjoints, belles sœurs et de la communauté. Et ce volet a été inscrit dans le cadre de nos causeries éducatives et nous échangeons avec certaines qui sont victimes lorsqu’il ya besoin pour qu’elles ne dépriment pas. .Nous leur faisons comprendre qu’il y a une solution à tout problème d’infertilité et parfois il suffit juste d’y croire ou d’être patiente et Dieu agit. » dixit Pauline Kuekem, fondatrice et coordinatrice nationale de l’association APROJED.

Madame Kuekem soucieuse du bien-être de la femme et de la jeune fille nous indique également que son association se retrouve aujourd’hui à embrasser tout type de cas liés aux VBG malgré la modicité de leurs moyens financiers et matériels du fait des nombreux besoins sur le terrain.

« Ce problème d’infertilité est une grande cause de violence basée sur le genre. Beaucoup de femmes en souffrent. Il ya des divorces et des tortures qui en découlent. » ajoute-elle.

Elle souligne que l’association APROJED qui, à ce jour travaille sur un projet de lutte contre les avortements clandestins dans la région de l’Ouest avec Dynamic Femmes, saisi l’occasion de chaque sensibilisation pour éduquer les jeunes filles sur les risques liés à ces avortements qui sont aussi une cause d’infertilité des années plus tard.

Taux d’infertilité au Cameroun

Selon une étude menée par le African Journals Online, l’infertilité qui est définie comme l’incapacité de concevoir après 12 mois de rapports sexuels normaux réguliers et non protégés, affecte plus de 15% des couples à travers le monde. L’étude souligne que l’infertilité est dans 30% des cas d’origine féminine, 20% d’origine masculine et mixte dans 40% des cas.

Au Cameroun, comme en Afrique 20 à 30% de couples souffrent d’infertilité et la prévalence varie d’une région à une autre. L’infertilité représente dans 15% des cas d’expérience la plus difficile de la vie d’un homme. La plupart des couples pensent qu’ils sont fertiles et pourront procréer quand ils voudront.

Enquête réalisée par Elise Kenimbeni avec l’appui de SisterSpeak237

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