Health

Lutte contre le VIH/SIDA : stigmatisation et discrimination font de la résistance

Les personnes vivant avec le VIH au Cameroun se plaignent des discriminations qui perdurent malgré les multiples campagnes nationales de sensibilisation.

 

Elles rêvent de vivre dans une société sans préjuger, où les regards et les doigts accusateurs ne sont pas pointer en leur direction. Elles souhaitent également être intégrées dans des concours nationaux et avoir des visas pour des voyages à l’étranger. Elles, ce sont les personnes vivant avec le VIH(PVVIH). Elles se sont confiées à notre rédaction lors de la récente journée internationale de lutte contre les discriminations, observée chaque 1er mars de l’année.C’était l’occasion d’échanger avec ces personnes sur leurs statuts et leurs quotidiens.

Hélène, âgée de 26 ans est une PVVIH depuis quatre ans. Elle a pu grâce à l’aide de l’association des jeunes frères et sœurs unis du Cameroun, surmonter l’envie de s’ôter la vie. Elle relate son histoire alors qu’elle est aujourd’hui l’un des leaders et paire éducateur, qui mène la lutte contre la stigmatisation. Pour Helene, vivre avec le VIH n’est pas la fin de la vie. « Je suis mon traitement normalement. Je respecte mes rendez-vous médicaux et prends mes antirétroviraux. Au début ce n’était pas facile mais je m’y habitue. »

Charles Domingo Noubissi, président du conseil d’administration du réseau camerounais des associations des personnes vivant avec le VIH (RECAP+),souligne le fait que la stigmatisation bien qu’en léger recul est encore un frein dans la lutte contre le VIH/SIDA. « Plusieurs malades abandonnent leurs traitement dans certaines unités de prises en charge(UPEC), parce qu’ils sont victimes de stigmatisation. Notamment les personnes âgées quand elles sont regardées de manière bizarres par des personnels de la santé qui sont supposés les assister et apporter tout le réconfort possible. Nous avons encore des familles où des personnes vivant avec le VIH sont méprisées, éloignées et abandonnées. Des familles où l’on n’accepte pas partager des repas avec les PVVIH.Ces dernières sont des personnes qui ont besoin de vivre dans un environnement sain sans être stigmatisées et inquiètent des regards » dit-il.

Il ajoute que la tendance doit être inversée. Autant, les gens doivent être incités à faire des tests de dépistages volontaires, autant on doit intensifier davantage la sensibilisation dans les lycées, collèges et lieux publics pour expliquer aux gens que le SIDA n’est pas une fatalité. « Les paires éducateurs via les organisations de la société civile fournissent déjà de nombreux efforts sur le terrain lors des sensibilisations mais nous voulons que cela soit davantage intensifié.»

Les PVVIH rencontrées ont également formulé le vœu de voir la mise sur pied à court terme d’une loi sur le VIH.

D’après l’enquête démographique et de santé (EDS) réalisée en 2011 ; l’acceptation de la personne vivant avec le VIH est encore difficile dans nos communautés. En effet, 81% des personnes vivant avec le VIH  sont exclues des activités familiales, 23% ayant perdu leur emploi ou revenu. Pendant ce temps, 14% ont vu leur statut sérologique divulgué sans leur accord  par les agents de santé, tandis que des services de santé sexuelle et reproductive ont été refusés à 5% des PVVIH. Les résultats de l’étude sur l’index de stigma réalisé par le RECAP+ avec l’appui du projet de prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale(PPSAC) en 2012, précisent que la stigmatisation et la discrimination touchent plus sévèrement les femmes, comparées aux hommes. A ce sujet, c’est  près de 70% des femmes qui se sont vues exclure des activités sociales et familiales. Elles ont été  victimes des violences physique et psychologique. 61% d’entre elles, subissent au quotidien les insultes, le harcèlement ou les menaces verbales. C’est dans cette même lancée que le rapport sur la situation de la femme africaine, réalisé en 2018 par une plateforme dénommée « the State of the African Woman consortium » que supervise la Fédération internationale pour le planning familial (IPPF), note que la stigmatisation et la discrimination peuvent limiter l’accès à la prévention, le traitement et les soins des femmes et jeunes filles. Cela peut aussi augmenter les violences sur le genre et limiter l’éducation de la jeune fille.

Ledit rapport souligne le fait que lorsque les femmes sont dépistées positives pendant les grossesses et les suivi  prénataux, contrairement aux hommes, elles sont accusées d’apporter le VIH en milieu familial. Pour ce qui est des travailleuses de sexe, elles  sont particulièrement vulnérables au VIH et sont 13,5 fois plus capable de vivre avec le VIH contrairement à d’autres femmes, ajoute le rapport. Ce rapport met en exergue la campagne #A coté d’elle, plus connue comme « Right By Her campaign » qui couvre toute l’Afrique afin de faire des Droits des femmes et jeunes filles une réalité, tel que le stipule le Protocol de Maputo de 2003.

L’atteinte des 90-90-90 établi en 2014 lors de la conférence internationale sur le SIDA passe par l’éradication de la stigmatisation et de la discrimination. Les trois 90 de l’ONUSIDA indiquent tout simplement que : 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90% de toutes les personnes infectées par le VIH dépistées reçoivent un traitement anti rétroviral durable et 90% des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée, ceci à l’horizon 2020.

Il faut dire que le Cameroun connait un taux de prévalence de 3,4% contre 4,3% entre 2014 et 2017, chez les personnes âgées de 15 à 49 ans, les défis de lutte contre cette pandémie restent énormes.  Le Cameroun a souscrit à l’une des visions phare du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), étant Zéro nouvelle infection à VIH, Zéro discrimination et Zéro décès lié au SIDA, etmène des actions de riposte pour éradiquer cette maladie.

 

Par Elise Kenimbeni

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