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Cameroun: Guerre contre boko haram, l’effort de trop ?

Depuis le mois d’Avril 2015, la pression au front reste une préoccupation de tous les instants. La concentration des politiques sur le sujet Boko Haram est désormais portée par un enjeu nouveau qui est celui de la contribution à l’effort de guerre.

Une mobilisation inédite qui livre des secrets déviants d’une certaine mal gouvernance. Pour faire bonne figure devant le Président de la République Paul Biya, qui est par ailleurs le Chef suprême des armées et Président national du parti au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (Rdpc), certains pontes et caciques du régime ont laissé les motions de soutien pour ouvrir une nouvelle boite à pandore.
Obtenir le maximum de contributions financières sous prétexte d’une solidarité agissante en faveur des troupes militaires massées au front dans la région de l’extrême nord.

Une opération douteuse
A coup de millions de FCFA et de denrées alimentaires périssables ou non, les chefs d’entreprises, les députés et sénateurs, les leaders politiques et autres citoyens se sont engagés depuis la fin d’année 2014 a organiser des séances de récolte de fonds sans un seul soupçon de transparence. Le Ministre du commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana opte également pour un dépôt des fonds dans des urnes disposées dans des supermarchés de la capitale politique Yaoundé. Chaque citoyen peut y déposer de l’argent sans en soupçonner la destination finale. Le Président de la République le 7 Avril 2015 confie au Secrétaire d’Etat auprès du Ministre délégué à la présidence de la république, chargé de la défense de remettre à l’armée un don spéciale du couple présidentiel. Ceci ne suffit pas à ralentir une vive polémique autour de la corruption qui fait son lit dans cette opération. Le quotidien privé « Le Messager » par exemple, dénonce dans une de ses parutions le fait que la contribution du sénat à hauteur de 100 Millions de FCFA ne satisfait pas ; les sénateurs et le personnel de la chambre haute qui ne se reconnaissent pas dans les contributions qui leur sont attribuées. Les partis politiques de l’opposition participent à l’effort de guerre à l’instar de Ni John Fru Ndi, Président du Social Democratic Front (Sdf), première force politique de l’opposition, qui se rend au chevet des soldats blessés dans un hôpital militaire de la capitale, Yaoundé le 19 Mars 2015. Le chairman du SDF offre en passant des victuailles aux forces armées. Toutefois, tout ceci est loin d’être convaincant car certaines sources militaires au front signalent des grincements de dents au sein des troupes qui sont au courant de cette manifestation d’intérêt général mais disent ne pas recevoir tous ces dons. Pour apaiser les esprits, Paul Biya instruit le Ministre des finances d’ouvrir un compte spécial au trésor public dénommé « Contribution du peuple, lutte contre Boko Haram ».

Un écran de fumée pour les soldats
Les nombreuses critiques autour de la gestion des fonds cotisés par la population peine à s’estomper malgré la création de ce compte spéciale et d’un comité interministériel ad hoc pour gérer les dons aux forces de défense et de sécurité devant de nouveaux recoupements. De nombreux soldats de retour du front, dans le cadre du système de relève, rencontrent des journalistes dans plusieurs rédactions. Le sujet est embarrassant et difficile d’évocation pour la presse locale qui est déjà sous le feu des plaintes des pontes du pouvoir. Les soldats dans leurs étonnements, intrigués, puis prennent un air sérieux qui confirme leur agacement devant un mouvement de solidarité dont l’impact n’est toujours pas perceptible au front. A quoi jouent les autorités est on tenté de s’interroger. Les destinataires des fonds collectés sont en colère et dénoncent une opération pourtant à une armée qui s’est surprise au front après la déclaration de guerre faite à Paris-France le 17 Mai 2014 par son Chef suprême, Paul Biya. La gestion des fonds collectés et denrées alimentaires n’est finalement qu’une simple vue de l’esprit. Le profit politique est difficile pour le régime qui finalement est entre le marteau et l’enclume. Les soldats formulent en sourdine un certain mécontentement étouffé par les officiers supérieurs et le peuple prêt à mettre plus dans la cagnotte, soupçonne des détournements de deniers publics probables.

Quel budget, pourquoi faire ?
Comment comprendre que les autorités n’aient pas déclaré officiellement une rupture budgétaire et qu’aujourd’hui le peuple soit appelé à faire des sacrifices. Le budget du Ministère de la défense revue à la hausse à plus de 212 Milliards de FCFA pour l’exercice 2015 ne laissait pas présage un appel a lever les fonds populaire. En 2013, la bonne dotation financière du BIR, bataillon d’intervention rapide, unité d’élite confirmait la santé financière d’une armée qui n’avait pas gère une guerre asymétrique jusque là. Aujourd’hui les appels à contribution ressemblent à l’arbre qui cache le foret. Le panier de la ménagère camerounaise déjà très peu consistent est appelé à se dégraisser à nouveau, dans un contexte ou le chômage et la pauvreté confirment la panne politique.
Dans la société des énormes soupçons pèsent sur le pouvoir central qui vivrait les luttes de leaderships au sein du sérail sans s’en émouvoir et cette fois encore c’est le peuple qui trinque et qui est appelé à un effort de trop. Le ras le bol alimente les débats dans les rues de Yaoundé et les questions fusent autour des enjeux de l’alternance en 2018. Année du prochain scrutin présidentiel. La guerre contre Boko Haram va forcement peser sur l’agenda politique et sur les batailles de succession au grand dam d’un tissu électoral à qui le régime exige aujourd’hui un effort surhumain pour soutenir la guerre. L’élan de sympathie aux soldats sera-t-il le même envers les politiques en 2018 ? Rien ne le garanti mais cette actualité livre peut être les premiers secrets d’une alternance tumultueuse qui pourrait voir l’armée jouer le rôle d’arbitre.

 

Par Jean-Patient Tsala

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