Parmi les nombreux problèmes que rencontrent au quotidien les personnes déplacées interne au Cameroun  il y a  la non détention d’actes de naissance et de carte nationale d’identité.

Depuis plus de deux ans la petite Glory âgée de 8 ans ne peut aller à l’école. Elle n’a pas d’acte de naissance. Sa maman que nous avons nommé Abeng Clara pour des raisons de sécurité n’a également  pas de carte nationale d’identité(CNI). Elle fait partie des nombreuses victimes de violences basées sur le genre qui ont fui la région du Nord-Ouest, où elle a habité durant une trentaine d’années avec son époux et ses trois enfants.

 Du fait de la crise sociopolitique qui perdure dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, Abeng Clara et sa famille se sont réfugiés dans la ville de Bafoussam et son mari quant à lui est allé se  «  chercher » à Yaoundé. Triste et perdue, elle ne sait à quel saint se vouer. Elle dit tenir la situation  grâce à l’appui d’une association bénéficiaire du projet UNFPA/ECHO.

Abeng Clara nous a confié que sa fille Glory ne peut aller à l’école car elle ne possède pas d’acte de naissance. Elle n’a aucun document en sa possession, tout a été abandonné à Mbengwi, où elle résidait. La priorité était d’échapper aux séparatistes qui menaçaient  et brulaient les maisons des populations de son village de jour  comme de nuit.

La situation de Abeng Clara est celle que vit au quotidien de nombreuses personnes déplacées interne (PDI). Sans acte de naissance beaucoup d’enfants n’ont pas accès à l’école publique ou privée. Les parents qui sont sans CNI ne peuvent être identifiés réellement, ni par les officiels administratifs, ni par certaines associations qui accueillent les PDI.

Selon les coordonnateurs de ces associations qui accueillent les PDI, il est souvent très difficile d’identifier leurs cibles n’ayant pas de CNI et ce qui s’avère compliqué durant le partage du matériel de première nécessité, les denrées alimentaires et même pour les assistances psychologiques et médicales qui proviennent des organisations internationales.

Conséquences

Le problème d’identification des PDI est une plaie béante pour leur intégration et leur dénombrement. Les autorités administratives n’ont pas de données  chiffrées exactes sur le nombre de personnes déplacées interne. La majorité des PDI est très mobile. Ces personnes  refusent  de révéler leurs identités ou encore de se faire identifier pour des raisons de sécurité liées à la peur de subir une présumée répression tel que le soulignent les autorités approchées sur le terrain.

 La non identification des PDI est un problème qui fragilise davantage les efforts consentis par le gouvernement et les organismes internationaux qui octroient des fonds pour l’assistance de ces personnes. D’après un responsable d’une délégation régionale, dont l’apport se fait grandement ressentir dans le projet UNFPA/ECHO, ce problème a des conséquences énormes.  Parmi les nombreuses conséquences qu’engendre cette absence d’identification, il y’a la non-scolarisation des enfants. Plusieurs enfants déplacés n’ont pas accès à l’éducation, certains malgré eux ne peuvent se présenter aux concours et examens de fin d’année. Certains n’ont pas pris le chemin de l’école depuis le début de la crise en 2016.

Dans les villes voisines de Yaoundé, Douala et Bafoussam, plusieurs enfants sont devenus des vendeurs à la sauvette, ou se livrent à la débauche et vadrouillent dans les rues. En ce qui concerne les jeunes filles, elles sont pour la plupart devenues des ménagères et d’autres des travailleuses de sexe contre leur gré. Et même dans les communautés hôtes certaines sont utilisées en contrepartie de leur hébergement.

« Parmi ces déplacées, la majorité sont des femmes actives. Il y’a des adolescentes, des jeunes filles et même des handicapées mais à faible proportion(…) Nous avons des femmes qui sont encore capable de se déplacer d’un point à un autre et vous voyez que leurs besoins sont plus grands que ceux d’une maman qui ne veut que manger et peut être avoir où dormir. Or, une jeune dame a des besoins au-delà tout cela. »

« Aux rangs des PDI se retrouvent beaucoup d’infiltrés et même des personnes dont le statut social est bien connu ceci parce que lorsqu’il y’a des formations au bénéfice des PDI certains voient des grosses opportunités en laissant pour compte les cibles principales qui ne peuvent clamer ou faire entendre leurs voix n’ayant pas une carte qui les identifie  comme déplacé…Nous pouvons estimé à près de 75%, les femmes et jeunes filles n’ayant pas de CNI. Elles se débrouillent pour certaines avec des vieux documents. » Affirme un coordonnateur d’association.

Notre source indique par ailleurs que certains déplacés sont obligées d’utiliser des  tierces personnes pour des décharges d’argent lorsqu’il ya des sommes qui leurs sont allouées, et parfois c’est sous forme de chantage ou en payant une contrepartie qu’ils reçoivent leurs dus et même, ce sont parfois des montants farfelus qui leur sont remisent par ces intermédiaires. Tout ceci résulte du fait d’absence d’une identification légale.

Malgré les nombreuses procédures entreprises jusqu’ici par les responsables de ces associations et organisations à base communautaires, le problème persiste. Ils nous confient qu’afin d’obtenir le certificat d’acte de naissance, précieux sésame dans la région de l’Ouest par exemple, des sommes faramineuses sont demandées aux PDI, qui pourtant vivent dans une indigence totale. Etablir un certificat d’acte de naissance par enfant revient à 15.000Francs CFA, ce qui n’est pas à leur portée et ne respecte pas la loi.

Quelles solutions ?

Pour pallier ce problème, véritable calvaire des PDI comme l’a indiqué notre source, l’implication du  gouvernement est une urgence. Les personnes déplacées interne doivent être identifiées tout comme les réfugiés à travers des cartes spécifiques. Les autorités peuvent aussi selon ces acteurs de terrain, faciliter l’enregistrement et l’attribution des actes de naissances aux enfants via le Bureau National de l’Etat Civil (BUNEC). L’attribution des cartes aux PDI de tout âge figure aussi parmi les solutions. Avec l’apport  du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), dont l’intégration avec un nouveau projet est certaine, ce volet pourrait connaitre des avancées à la suite des descentes effectuées sur le terrain par les agences des Nations Unies.

Cette situation bien que criarde fait partie du chapelet de problèmes égrainé par les acteurs de terrain qui ont apprécié le grand apport du projet UNFPA/ECHO en direction des femmes et jeunes filles victimes des violences basées sur le genre dans les régions du Nord-Ouest, Sud-Ouest, Littoral et Ouest.

Durant la descente des équipes humanitaires des Nations Unies et du bureau ECHO, qui s’est tenue du 18 au 22 octobre 2021 dans les régions du Littoral et de l’Ouest, ces acteurs se sont exprimés sous anonymat pour des raisons évidentes de sécurité.

Piloté par le Fonds des Nations Unies pour la population(UNFPA), le projet dénommé : « provision of integrated and lifesaving, response services to Gender-based violence », est une réponse efficace aux nombreuses violations physiques, psychologiques, économiques et des viols dont sont victimes les femmes et jeunes filles issues de cette partie du pays sous la menace de la crise anglophone.

Il faut dire que ce projet qui a été lancé en 2020 est financé par de l’Union Européenne à travers la direction générale pour la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européenne de la commission européenne(ECHO).

Elise Kenimbeni

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