Femmes célibataires ou mariées, divorcées ou veuves, du levé au couché du soleil, l’apport des femmes commerçantes à l’essor de leur famille en Afrique n’a jamais été si remarquable qu’en ces temps de globalisation.
A travers leurs activités, elles arrivent à contribuer largement à la scolarisation et à l’éducation de leurs enfants, ainsi que, contribuer au développement durable de leur société. Les femmes « Mosso » du Tchad sont plus que jamais implanter au cœur de la vie économique et sociale du pays. C’est parce que la nature a horreur du vide qu’elles ont choisi occuper cet espace laissé par leur famille, maris ou sociétés. Un vide qui les aurait laissé chuter dans les eaux troubles de la précarité aggravée ou pire les pousser à emprunter les chemins peu dignes qui les mèneraient à la débauche ou à des actes malsains pour leur honneur et leur conscience. Sous la pluie ou le soleil, face à toutes les intempéries, pas nécessaire de marcher avec les loupes pour les voir. Les voir soit debout transpirant sous l’effet de la chaleur et le poids des grands plateaux qu’elles portent sur leur tête, ou assissent devant des étales souvent très achalandés criant à tue-tête à longueur de journée pour attirer des clients. Elles, ce sont ces femmes commerçantes appelées communément au Tchad « Mosso ».
Femmes battantes ou entreprenantes, instruites ou analphabètes, mariées ou célibataires les conditions sociales et la crise que traverse le Tchad ont sonné pour elles comme une source d’inspiration dirigée vers ce secteur de l’économie informelle. Madeleine G, la trentaine révolue, transpirant sous l’effet de la chaleur avec une grosse bassine remplit de fruit sur la tête, se confit en ces termes « j’ai eu mon baccalauréat G il y’a de cela presque 10 ans. Mes parents, n’ayant pas les moyens pour m’envoyer faire des études supérieures, j’ai finis par me marier à un jeune de mon âge qui n’avait pas un boulot fixe. Il a fini par m’abandonner et fuir pour aller à l’étranger. Maintenant, je me bats avec ce commerce pour nourrir mes deux filles. Je paie leur scolarité, leur habillement, ainsi que le loyer dans lequel nous habitons. Mon souhait c’est de voir mes filles réussir dans la vie ».
Du commerce des produits vivriers et alimentaires, le vestimentaire et le cosmétique ne sont pas lésé par celles-ci. Certaines rivalisent avec des secteurs considérés autrefois par leurs communautés comme la chasse gardée des hommes. D’autres d’entre elles ont choisi prendre conscience des problèmes de l’heure par exemple la question de l’environnement et de la protection de la nature. A l’instar de Madji Clarisse, jeune divorcée, qui se spécialise dans la récupération et le recyclage des bouteilles en plastiques et des pneus usés. Elle transforme ces objets de récupération en pots de fleur et ornement qu’elle vend dans l’une des avenues les plus chics de la ville de Ndjamena, la capitale tchadienne. Cette ingéniosité lui permet de joindre les deux bouts et de s’occuper de sa petite fille et de dépanner ses parents qui habitent en campagne. Avec un sourire en coin, elle détaille son parcours en ces termes : « j’ai bénéficié d’une formation dans le domaine du décor par la grâce d’une ONG. C’est après cette formation que j’ai décidé de me lancer. Chaque matin, je fais le tour de mon quartier à la recherche des bouteilles vides et des pneus usés : mes matières premières. Des gens me les apportent aussi souvent. Ensuite, je les taille et crée des formes. Puis, je les colore. Je reçois beaucoup de clients qui les achètent soit pour orner leurs maisons ou leurs bureaux. Les prix varient entre 5000 FCFA et 15000 FCFA. Les gens me félicitent parce que selon eux, je réduis les déchets dans le quartier et dans la ville. Ça m’encourage à vouloir développer mon activité. Mon souhait c’est de la voir devenir une grande entreprise. J’espère qu’un jour j’y arriverai ». conclut-elle . C’est connu de tous, l’apport des femmes battantes et entreprenantes dans l’essor de leur famille n’est pas à sous-estimer. En plus de leurs taches conjugales, elles doivent dans la plupart des familles ou le mari n’a pas d’activité, couvrir toutes les charges. Leur apport dans la société n’a jamais été aussi important en ces temps de crise que traverse le pays.
Seul bémol, plusieurs d’entre elles ne se rapprochent pas des structures de conseil ou des spécialistes pour renforcer leurs capacités. En outre, il n’existe pas de chiffres officiels pour apprécier leur apport dans l’économie du pays. Pour madame Clarisse DENE, membre d’une organisation des femmes commerçantes de la ville de N’Djamena, « beaucoup de femmes ne veulent pas se rapprocher de nos services pour pouvoir prendre conseil afin d’élargir leurs activités de commerce. Certaines ne savent pas qu’elles peuvent prendre des crédits à la banque ou prendre conseil au sein d’un cabinet d’expertise ». Elle renchérit en disant : « et pourtant, elles contribuent énormément au développement de la communauté à travers leurs activités. Il faut aussi reconnaitre que l’Etat les oublis très souvent. Des efforts doivent être fait dans ce sens». Au-delà du courage et de l’apport à leurs familles elles se livrent à un bras de fer avec les autorités en charge des marchés de la ville. Les tracasseries avec la police municipale constituent un grand frein à leur épanouissement. Du coup beaucoup se lancent dans la corruption ou finissent par abandonner leur commerce. MARIAM DONIA, rencontré au grand marché se lamente toute furieuse en ces termes ; « les policiers municipaux, quand ils viennent et qu’ils te demandent de donner une certaine somme et que tu n’as pas, ils arrachent toutes ta marchandise et partent avec. Du coup on est obligé de jouer au chat et à la souris avec eux ou négocier. Et cela ne fait pas avancer notre commerce »…ni l aspiration des femmes tchadiennes à une véritable autonomisation.
Par Honoré BARKA ESSIGUE (Tchad)