Réunis à Yaoundé le 17 novembre 2020 lors d’un atelier, ils ont tenu à exprimer leur ras-le-bol.
« Nous voulons nos terres ! » tel est le cri de détresse lancé par les élites de Batschenga réunis à Yaoundé le 17 novembre 2020 dans le cadre d’un atelier d’élaboration d’un plan de communication pour la mise en œuvre du plaidoyer pour la sécurisation des terres des populations de cette partie du pays.
Un atelier qui s’est achevé par un point de presse, qui a permis aux élites de faire passer ce message de détresse et aussi présenter le plaidoyer qu’ils comptent mener auprès des autorités administratives, notamment le ministre du Cadastre, des domaines et des affaires foncières (Mincadf).
Ces actions, qui ne sont pas les premières du genre, viennent à la suite de différentes démarches entreprises par des leaders locaux, qui ont initié entre autres des procès dans les tribunaux et qui n’ont pas abouti.
Les élites ne savent plus à quel saint se vouer, elles pleurent et demandent que leurs terres leur soient restituées par ceux qu’elles qualifient de « gros bras ». Ces dernières qui vivent des activités agropastorales disent qu’elles sont menacées de plus en plus.
Tout comme les autres élites présentes à cet échange, sa majesté Bruno Bikele Ambomo, chef du village Olembe dans l’arrondissement de Batschenga, s’est confié aux médias.
Selon l’autorité traditionnelle, « si on se met au-devant de la scène en tant que chef traditionnel, c’est parce que notre première mission est de protéger nos populations et leurs biens. C’est pourquoi nous tenons à parler de cette affaire de terrain. Après nous cette affaire sera une catastrophe !», déplore-t-il.
Pour accompagner ces élites dans leurs actions, l’Institut Africain pour le développement économique et social(Inades-formation) et son partenaire allemand, KZE-Misereor, ont mis en œuvre le projet de lutte contre l’insécurité foncière rurale pour la satisfaction des besoins alimentaires des populations autour des agro-industries et des zones d’implantation des projets dits structurants au Cameroun.
Prenant part à la rencontre, Raphael Meigno Bokagne, chef de projet à Inades-Formation, souligne l’importance de ce plaidoyer.
« Le plaidoyer ici porte sur l’accompagnement des communautés pour la sécurisation de leur espace vital. Dans la zone de Batschenga, le problème porte beaucoup plus sur les zones accaparées par les grands projets mais de manière spécifique pour le cas de Batschenga, les questions étant assez délicates, une étude a été menée et un certain nombre de personnes ressources rencontrées et les communautés nous ont sollicité pour leur venir en appui. Cet appui nous a permis de nous concentrer sur le cas des terres gérées par la défunte SEITA », dit-il.
Faut-il le rappeler, les faits remontent depuis 1950, date de création de la société d’exploitation industrielle de tabac et allumette (SEITA) dont les conditions d’installation ont été discutées à l’assemblée représentative du Cameroun(ARCAM). Cette dernière avait pour mission d’élaborer un cahier de charges avec les populations riveraines. La SEITA est passée aux mains des français après le départ des allemands, sous la dénomination de SFCT (société franco-camerounaise de tabac) puis aux mains des camerounais, sous la dénomination de société camerounaise de Tabac (SCT).
Au vu de ces différentes mutations, les communautés relèvent que la SEITA a muté le titre foncier à la SFCT, mais cette dernière ne l’a pas muté à la SCT ce qui suscite un flou dans la situation juridique de ces terres. Selon les explications fournies par les élites, la société camerounaise de tabac a fait faillite et une commission de liquidation a été désignée en 1998. Ladite commission de liquidation aurait commencé à vendre les terres de la société, ce qui a alerté les populations riveraines qui sont de plus en plus confrontées à la rareté de la terre.
Elise Kenimbeni