C’était au cours d’un café parlementaire qui s’est tenu le Vendredi 16 juin 2023 à Yaoundé.
Autorités administratives, parlementaires, acteurs des organisations de la société civile et les médias ont été conviés le 16 juin dernier à l’hôtel franco de Yaoundé pour une session de plaidoyer et de lobbying en faveur de la main d’œuvre domestique au Cameroun.
Une session qui intervient après les journées d’activisme lancées le 10 juin 2023 et qui s’achèvent par la journée internationale des travailleurs domestiques célébrée chaque 16 juin de l’année.
Les organisateurs ont tenu a le rappeler lors des échanges que cette rencontre est le point culminant des journées d’activisme et d’une campagne nationale qui a été lancée il ya trois (03) mois et qui va davantage s’étaler a travers le triangle national dans les prochains mois.
Enjeux du café parlementaire
Durant ce café parlementaire, des présentations ont été faites sur : les documents de plaidoyer et de lobbying ; les textes règlementaires ; la situation actuelle des travailleuses et travailleurs domestiques et leur cahier des Droits et obligations.
Dans ses propos, Antoinette Tangono, Présidente de la confédération Camerounaise du Travail (CCT) a souligné les enjeux de ce café parlementaire qui regroupe également un bon nombre d’acteurs clés de la société civile.
Elle dit :« Nous avons constaté que dans le corpus règlementaire et législatif du Cameroun en ce qui concerne les travailleuses et les travailleurs domestiques, les textes sont obsolètes. Et notre rencontre de ce jour a été organisée dans le but d’adresser notre plaidoyer auprès du parlement pour que les textes législatifs soient révisés, un nouveau code de travail adopte en intégrant toutes les composantes de ce domaine d’activité et surtout, ce plaidoyer vise à pousser le processus de ratification de la convention 189 sur le travail domestique au Cameroun. »
Elle a également tenu à préciser que le travail domestique qui est souvent perçu comme un travail du secteur de l’informel ne l’est pas.
« C’est un travail à part entière qui doit se fonder sur les quatre (04) piliers du travail décent que prône l’OIT. Ce que nous faisons aujourd’hui est donc l’aboutissement des 16 jours d’activisme qui ont été mis en place pour dénoncer les abus et le mauvais traitement que subissent ces travailleuses et travailleurs domestiques… » Ajoute-elle.
Les participants présents ont relevé qu’il ya nécessité de communiquer sur le travail domestique afin de juguler les mauvaises pratiques qui sont très souvent observées dans ce milieu.
Le Représentant du ministère de la communication a dans son intervention propose que des spots vidéos et audios soient conçus pour une diffusion massive sur la chaine nationale, CRTV.
Marie Mballa Biloa, Présidente Fondatrice de l’association des « Bayam Sellam » a souhaite que les travailleuses et travailleurs domestiques se regroupent en associations ou syndicats pour faire entendre leurs voix en terme de salaires qui selon elle ne peuvent qu’osciller entre 5000 et 25.000 Francs CFA parce qu’ils n’ont pas de porte-paroles.
Même son de cloche pour les leaders syndicaux invités à l’instar de Jean-Marc Bikoko, Président de la Centrale Syndicale du Secteur Public (CSP) qui a décrié les abus qui ne cessent de perdurer dans ce domaine et qui ne sont pas encadrés par les autorités administratives.
Comprendre le plaidoyer
L’association pour le développement des assistants de maison (ASDAM) par le biais de sa présidente, Claudine Lucie Mboudou Mballa a durant la rencontre fait un tableau synoptique du contexte actuel du travail domestique au Cameroun. L’un des points majeur relevé par Madame Mboudou Mballa Lucie, est le fait que les travailleurs ou travailleuses domestiques sont employés par des ménages de particuliers au sein des domiciles privés, souvent sans contrat de travail écrit, avec un volume horaire de travail au-dessus de 54 heures par semaine.
L’ASDAM souligne un autre fait, celui des congés non payés ou l’absence de repos hebdomadaire, le défaut d’affiliation à la caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), le harcèlement moral, sexuel, les services et la déconsidération que subissent en silence les acteurs de ce corps de métier. Et cette situation est susceptible de s’empirer lorsque le professionnel réside sur le lieu du travail selon la description de l’association pour le développement des assistants de maison.
L’association Horizons Femmes, partenaire d’implémentation dans le cadre de cette campagne a aussi souligné des aspects clés lies à l’exploitation et les abus sexuels que subissent notamment les femmes qui sont le plus employées dans ce domaine d’activité dans notre pays.
D’après Chantal Ngo Sende, Responsable Cellule Genre à Horizons Femmes, cette action qui a été mise sur pied par l’OIT vient à point nommé, au vu de la mission du projet qui cadre parfaitement avec les différents axes stratégiques de l’association qu’elle représente.
« Ce projet cadre parfaitement avec les différents axes stratégiques de l’organisation qui milite pour le bien-être de la femme. Le milieu du travail domestique est à 80% représenté par la femme, et donc cette énième mission qui est la nôtre entre en étroite ligne avec notre vision, à Horizons Femmes, qui est celle d’améliorer les conditions de vie des femmes. Seulement cette fois, notre créneau c’est uniquement les travailleuses domestiques et c’est sur cette cible que nous focalisons nos actions dans le cadre de ce projet pour améliorer les conditions de vie et recadrer le domaine du travail. » dit-elle.
Dr Bwaka Bikoula Arlette, représentante de l’OIT a quant a elle indique que ce plaidoyer repose sur deux textes notamment la convention 189.
« L’Organisation Internationale du Travail (OIT) en partenariat avec le gouvernement du Cameroun et les organisations associatives et syndicales des travailleurs domestiques sollicitent, des membres du parlement (Députés et Sénateurs), l’adoption de deux (02) textes ou l’appui au processus d’adoption de ces deux textes. Le Premier c’est la convention 189 de l’OIT qui organise le travail des travailleurs et travailleuses domestiques sur la scène internationale. Une ratification qui induira donc une modification de notre ordonnancement juridique interne et qui aura donc incidence sur le deuxième texte que nous souhaitons voir modifier, qui est le décret du 10 juillet 1968, qui organise en l’état actuel le travail domestique au Cameroun et qui est dépassé parce que les dispositions qui sont contenus dans ce décret premièrement ne match même plus avec les dispositions du code du travail, qui lui date de 1992 mais également qui est inadapté quand on le compare a la norme internationale en matière qui est la convention 189 de l’OIT. »
Selon Dr Bwaka Bikoula Arlette, c’est une nouvelle histoire qui s’écrit dans le monde du travail domestique au Cameroun et les lignes bougent à travers les actions qui sont menées dans les neuf régions du pays.
Avis des Parlementaires
Honorable Koupit Adamou, Député UDC à l’assemblée nationale a salué cette initiative qui selon lui mérite une attention particulière.
« Notre pays le Cameroun qui est lancé dans un processus de modernisation doit prendre en compte tous les aspects de sa vie, et il ya une importante convention internationale qui n’est pas encore internaliser. C’est donc le travail du député d’interpeller le gouvernement d’abord dans le cadre du lobbying pour savoir ce qui fait problème et pourquoi cela prend autant de temps. » Dixit Honorable Koupit Adamou.
Aux sorties de la rencontre, l’élu de la nation a dévoilé aux médias que des actions vont être prises à leur niveau.
« Nous allons nous donner le devoir de nous rapprocher du Ministre du travail et de la sécurité sociale, qui est la personnalité que le Chef de l’Etat doit utiliser pour déposer ce texte a l’assemblée nationale et de mettre toute la pression que nous pouvons afin que le texte soit soumis à l’examen du parlement. »
Honorable John Kumaze, Député RDPC à l’Assemblée Nationale a aussi apprécié la rencontre qui selon lui devrait être un tournant décisif dans le changement des conditions de travail des employés de maison.
De quoi parle la Convention n° 189 ?
La Convention n° 189, offre une protection spécifique aux travailleurs domestiques. Elle fixe les droits et principes fondamentaux, et impose aux États de prendre une série de mesures en vue de faire du travail décent une réalité pour les travailleurs domestiques.
La Convention n° 189 définit le travail domestique comme “travail effectué au sein ou pour un ou plusieurs ménages”. Ce travail peut inclure des tâches telles que le ménage, la cuisine, laver et repasser le linge, prendre soin des enfants ou des personnes âgés ou malades d’une famille, le jardinage, le gardiennage, la conduite de la famille, et même le soin des animaux domestiques.
Il faut souligner que le plaidoyer en cours vient peintre l’état avance des exploitations et du mauvais traitement de ces professionnels. Au Cameroun, selon les résultats de la 3eme enquête auprès des ménages (ECAMIII), les travailleurs domestiques appartiennent à la catégorie de la population active source de sous-emploi invisible (INS,2008) entendu comme un emploi dont la rémunération est inférieure au salaire minimum (soit 36.270 Francs par mois, pour 40 heures de travail par semaine).
Elise Kenimbeni