Ces chiffres sont du rapport national annuel 2022 des violences et violations faites aux minorités sexuelles et de genre au Cameroun : Ledit rapport a été présenté le mercredi 17 mai 2023 à Yaoundé.
Cette année, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie (IDAHOT) qui est commémorée chaque 17 mai, les défenseurs des Droits Humains au Cameroun se sont réunisà Yaoundé, pour mettre un accent sur les cas de violences et de violations faites aux Minorités Sexuelles et de Genre (MSG).
Il était question au cours de cette journée qui s’est tenue à l’institut français du Cameroun dans la ville de Yaoundé, de parler des multiples violences, violations et cas d’abus qui sont observés dans notre société au quotidien.
Les défenseurs des droits humains tout en revisitant le cadre juridique et le contexte socio-culturel du Cameroun ont relevé que les cas de violences ne cessent de s’accroitre au fil des années.
Au cours de la rencontre, une jeune dame au nom d’Amour a relaté son vécu lorsqu’elle a dévoilé son appartenance sexuelle à un monsieur avec qui elle a entrepris de faire un enfant. Avec des larmes aux yeux, Amour a décrit comment elle a été victime de la pire barbarie qu’il soit. Même ayant espoir que justice soit faite elle n’a pas obtenu gain de cause jusqu’ici pourtant elle a été torturée et abusée par le monsieur dans des conditions extrêmement critiques. Un partage d’expérience qui a profondément touché l’assistance.
2.925 contre 4.116 cas en 2021
Dans ce rapport national annuel de 2022, fruit du travail de 34 organisations de la société civile qui sont regroupées au sein de la Plateforme Unity (PFU), il ressort qu’il y’a eu au total 2.925 cas d’abus, violences et violations perpétrés sur 987 MSG. Des violences qui sont d’ordre physiques, psychologiques, sexuelles et économiques d’après le rapport. Et cette activité d’observation et de documentation de ces violations a été réalisée par des équipes d’observateurs formés. Les auteurs et autrices des cas de violences et violations ont été identifiés selon leurs appartenances dans la communauté, le secteur de la sante, le milieu éducatif, dans les lieux de travail et la justice.
Ces mêmes indicatifs sont ceux qui ont été utilisés par les experts et défenseurs des droits humains qui ont fourni des efforts de titans afin d’aboutir à ce travail.
L’année dernier, dans le rapport de 2021 il a été recense 4.116 cas de violences sur 2.898 MSG, un nombre impressionnant et jamais reporté depuis la mise en place d’un système national d’observation et de reporting des cas.
Des chiffres assez alarmants
Il ressort de ce rapport annuel de 2022, que les cas de violences les plus perpétrés sont d’ordre économiques et socio-culturels d’où le chiffre de 1.121. Et en ce qui concerne les droits civils et politiques, il a été dénombré 189 cas. Ce qui signifie d’après les auteurs dudit rapport que 85,57% des violences basées sur le genre (VBG) sont des violations des droits économiques, sociaux et culturels et qui affectent le bien-être et l’épanouissement des MSG au Cameroun.
Concernant les 2.925 cas perpétrés sur 987 MSG et mis en vitrine dans le rapport, il faut souligner que, 610 personnes se sont identifiés comme étant des hommes gays, 205 personnes comme transgenres, 78 personnes comme Bisexuelles, 127 comme femmes lesbiennes et 24 comme des queers, ce qui est connu sous le sigle LGBTQI.
De l’Espoir avec la régression des chiffres ?
Selon les acteurs de la société civile, cette régression en chiffres ne saurait être un véritable indicateur de la baisse des violences et violations sur les MSG, au contraire cette baisse pourrait être du fait de la peur de dénoncer au vu du contexte socio-culturel et de l’environnement dans lequel nous sommes.
Jean Paul Enama, Directeur Exécutif de Humanity First Cameroon Plus (HFC+), membre de la Plateforme Unity, est l’un des auteurs de ce rapport national qui est aujourd’hui un véritable outil de plaidoyer et de renseignement sur l’état de santé des droits humains au Cameroun.
« De mon interprétation, c’est une situation qui est dû soit au travail que nous faisons depuis plusieurs années et qui est entrain de porter des fruits, soit c’est à cause des financements qui n’ont pas permis de couvrir tout l’étendue du territoire national. De toutes les façons, 2.925 c’est beaucoup de cas perpétrés. Cependant on retient aussi que malgré ce contexte alarmant, l’espoir est quand même permis avec des nouvelles pistes à travers par exemple le Fonds Mondial qui a des actions qui visent à lever les barrières et nous avons également les textes nationaux sur la santé qui ne sont pas assez utilisés pour adresser ces questions de violences. » Dixit Jean Paul Enama.
Il ajoute qu’il est temps d’utiliser l’approche sur les Droits afin de protéger les MSG.
« Il ya l’Examen Périodique Universel (EPU) qui arrive et le Cameroun passe en Novembre 2023. Un rapport alternatif a été soumis et ce sera une occasion pour que le gouvernement soit redevable vis-à-vis des textes et conventions ratifiés et signés aux Nations Unies et même à l’Union Africaine. Nous avons beaucoup plus utilisé cette approche cette année afin de faire évoluer la situation des droits humains. »
Madame Eva Mayer Tamo, Experte des Droits de l’Homme souligne que cette régression n’est point un indicateur positif car il peut être réel et en même temps juste une façade.
Elle dit :« Ça ne m’étonnerait pas qu’on reste dans la même fourchette que l’année dernière et même un peu plus. Vous le savez, la société est encore fermée sur la thématique et vous savez également que les violences sont subtiles, et nous sommes encore dans un contexte où très peu de gens dénoncent. Il ya des situations où plusieurs sont victimes de ces violations mais préfèrent subir que d’aller dénoncer ou reporter… »
Toutefois, Eva Mayer Tamo pense qu’il ya une lueur d’espoir que les choses s’améliorent au fil des années, s’appuyant sur le travail herculéen que mènent les acteurs de la société civile, les défenseurs des droits humains en collaboration avec les institutions étatiques.
Markus Davies, Conseiller politique au Haut-commissariat du Canada au Cameroun a salué ce nouvel engagement de la société civile.
Markus Davies dit : « C’est très important d’avoir ce type de rapport de documentation notamment pour la communauté et cela indique quels sont les Droits des uns et autres avec un aperçu sur la situation au Cameroun. Aussi, c’est un outil pour promouvoir les droits des personnes, lutter contre les discriminations. Ce rapport permet aussi de vulgariser davantage la situation afin de promouvoir l’information constructive au sein des populations. Les communautés vulnérables peuvent l’utiliser pour protéger leurs droits. »
Cette rencontre s’est achevée avec la présentation du projet dénommé : « Together ». Projet qui a été officiellement lancé le 17 mars dernier à Yaoundé et qui est piloté par trois organisations de la Plateforme Unity que sont : la CAMFAIDS, HFC+ et AVAF.
Ebenezer Munkam, Coordonnateur national du projet, Directeur des Droits Humains et du plaidoyer à la CAMFAIDS, a une fois de plus indiqué que ce programme issu des fonds de l’Union Européenne se veut être un outil de renforcement des plateformes institutionnelles et structurelles.
Le Représentant du Chef de délégation de l’Union Européenne n’a pas manqué d’exprimer son satisfecit au vu du travail abattu par l’équipe de la Plateforme Unity.
Mr Stefano Sgobba a indiqué que l’Union Européenne est aux côtés des organisations de la société civile pour soutenir leurs actions.
A propos de la Plateforme Unity (PFU)
La Plateforme Unity est un réseau de 34 organisations identitaires basées au Cameroun.
Elle a été créée en 2016 et à ce jour compte des organisations membres dans les dix régions du pays. La PFU a pour mission de : contribuer à améliorer les droits humains des individus sur tous les plans, y compris l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles ; coordonner les interventions des organisations en matière de riposte et réponse aux violences et violations des droits humains ; et de conduire le plaidoyer en concertation avec les partenaires bilatéraux, multilatéraux pour la création d’un environnement favorable pour les MSG.
Elise Kenimbeni