La ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille a procédé, le 30 décembre 2024, à la signature de Cahiers de charges entre son département ministériel et douze communes pour l’enrôlement de plus de 14.000 enfants à l’état-civil.

Cellule communication MINPROFF

L’expression “enfant fantôme” désigne, au Cameroun, un enfant qui n’est pas inscrit à l’état-civil.

Selon des données publiées par l’Institut National de la Statistique(INS), 30% d’enfants de moins de 5 ans n’ont pas d’actes de naissance, ce qui équivaut à une population estimée à 1,6 millions d’individus.

Pour ces enfants bien vivants mais privés d’existence légale, le risque d’apatridie est réel. Pourtant, la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant dispose en son article 7 que :”l’enfant est enregistré aussitôt à sa naissance, et a dès celle-ci, le droit d’acquérir une nationalité et dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux”.

Le lundi, 30 décembre 2024 à Yaoundé, le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille a, une fois de plus, pour la sixième année consécutive, procédé à la signature de Cahiers de charge avec des municipalités pour l’enrôlement à l’état civil d’enfants issus de sept régions du pays à savoir: l’Adamaoua, le Centre, l’Extrême-Nord, le Nord, l’Ouest, le Sud et le Sud-Ouest.

Cette opération concerne au total 14.222 enfants vivant dans douze communes urbaines et rurales du pays.

Dans son budget fixé à 9,6 milliards de FCFA pour l’exercice 2024-2025, le MINPROFF a dégagé un montant de 142, 222 millions de FCFA pour permettre à ces enfants d’être juridiquement reconnus comme citoyens camerounais à part entière, grâce à l’octroi d’un acte de naissance.

“Le délai d’enrôlement a été étendu à douze mois. Les parents ont désormais douze mois pour établir un acte de naissance à leurs enfants. Je pense qu’on ne devrait plus utiliser autant d’argent qui pourrait servir à d’autres causes, du fait de la négligence des parents”, a souligné la Ministre Marie-Thérèse Abena Ondoa, rappelant des dispositions de la loi n° 2024/016 du 23 décembre 2023, portant organisation des systèmes d’enregistrement des faits d’état-civil au Cameroun.

Méconnaissance des modifications sur la loi portant l’enrôlement des enfants à l’état-civil

Concernant les déclarations de naissances au Cameroun, ce texte a apporté des modifications importantes. Auparavant, le délai d’enrôlement d’un enfant à l’état-civil était fixé à 90 jours et incombait uniquement à la mère.

Désormais, l’un ou l’autre des parents peut déclarer une naissance, tout comme toute personne ayant connaissance de la venue au monde d’un nouveau-né. Passé ce délai, et ce jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge d’un an, la naissance peut encore être enregistrée par un officier d’état-civil local sur réquisition du Procureur de la République. Cette mesure s’applique tant aux nationaux qu’aux Camerounais de la diaspora vivant dans des pays dépourvus d’un centre d’état-civil camerounais.

Stratégies des communes pour la disparition des enfants fantômes

 Ayant reçu des mains de la Ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille, Mme Marie-Thérèse Abena Ondoa une enveloppe de 15 millions de FCFA pour la commune de Bikok dans la région du Centre qu’elle dirige, la maire Ottou Crescence Odette a une vision bien claire de sa stratégie pour l’enrôlement de 1500 “enfants fantômes”.

Pour elle, cet appui primordial pour la reconnaissance de l’existence juridique des enfants va servir à “Organiser des séries d’audiences foraines”. La maire de la commune de Bikok a ajouté que :“de cela coûte très cher de déplacer un tribunal de Ngoumou à Bikok. Il faut aller au Centre médical d’arrondissement pour leur établir des certificats d’âge apparent. C’est tout un processus qui constitue le jugement supplétif. C’est laborieux et coûteux”.

Pour alléger le fardeau financier que représente pour le gouvernement l’enrôlement des “enfants fantômes” à l’état-civil, les autorités communales mènent des campagnes de sensibilisation auprès des parents. À Mandingrin dans la région du Nord-Cameroun, le recensement des enfants sans actes de naissance se fait dans les écoles maternelles et primaires.

La maire, Djenabou Mafing Marie révèle que :“La sensibilisation des parents se fait dans les églises, dans les mosquées, dans tous les regroupements d’adultes et même dans des cérémonies familiales. Il y a également un agent communal d’état-civil qui est déployé à l’hôpital local. Dès qu’une femme accouche, elle fait directement la déclaration d’acte de naissance auprès du responsable de la formation hospitalière. Ce dernier représente alors un relais entre les parents et l’agent d’état-civil préposé”.

 Des facteurs socio-culturelles à l’origine du phénomène des enfants fantômes

Si la négligence parentale est le principal facteur justifiant l’existence des “enfants fantômes” au Cameroun, d’autres réalités, socio-culturelles notamment existent. Des témoignages recueillis auprès de divers acteurs sociaux présentent les conflits interfamiliaux de parents non-mariés comme l’une des raisons qui conduisent au non-enrôlement des enfants à L’état-civil.

“Selon certaines coutumes du pays, un enfant né hors-mariage ne doit pas porter le nom de son géniteur. Cette situation est source de tensions qui sont malheureusement défavorables pour l’enfant. Des secrétaires d’état civil véreux ont pendant longtemps, profité de ces conflits pour exiger des actes de mariage aux parents ou encore leur faire payer des frais supplémentaires pour la procédure, provoquant ainsi leur découragement”, révèle une source.

Au Cameroun, la falsification des systèmes d’enrôlement des faits d’état-civil, de même que la corruption d’agents d’état civil sont punissables par le Code pénal camerounais. Selon des autorités administratives, un retour à des sanctions contre les parents qui refusent de déclarer la naissance d’un enfant devrait être proposé au législateur pour lutter efficacement contre le phénomène des “enfants fantômes” au Cameroun.

Nathalie Mooh

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