La première phase des ateliers départementaux a débuté à Bafia, dans le Mbam et Inoubou le mercredi 30 juillet 2025.

Bafia, chef-lieu du département du Mbam et Inoubou dans la région du Centre au Cameroun était au cœur du plaidoyer que mène l’ONG Horizons Femmes à travers son projet dénommé : « Femmes et Foncier : mobilisation communautaire et plaidoyer pour la sauvegarde des droits fonciers des femmes et veuves dans les régions du Littoral, Centre et de l’Ouest du Cameroun ».

Un projet qui depuis son lancement dans les régions du Centre, Littoral et de l’Ouest a permis d’outiller de nombreuses femmes leaders, d’où le slogan : « Les Femmes à l’école du foncier ».

Dans la ville de Bafia, il était donc question de toucher du doigt les réalités du terrain dans le cadre de ce projet qui fait des émules depuis sa mise en œuvre par l’ONG Horizons Femmes qui bénéficié de l’appui financier de l’African Women’s Development Fund (AWDF).

Des femmes venues des différents arrondissements du département du Mbam et Inoubou ainsi que les autorités administratives, leaders communautaires et chefs traditionnels, ont été mobilisés le mercredi 30 juillet 2025, à la salle des fêtes de la ville, dans le but d’intensifier le plaidoyer en cours et de faire des témoignages sur le vécu des femmes en ce qui concerne l’accaparement des terres et la marginalisation que plusieurs d’entre elles subissent dans le cercle familial.

Angeline Madong épse Dang, une sexagénaire originaire de ce département fait partie de ces femmes qui ont reçu les enseignements de l’ONG Horizons Femmes dans le cadre de ce projet salvateur. Elle est à ce jour une bénéficiaire qui impacte d’autre femmes sur le terrain avec sa casquette de para juriste.

Issue d’une famille où il ya plusieurs hommes, elle a été marginalisée par ses frères au point d’être « mendiante » des biens de ses parents tel qu’elle l’a indiqué.

Cette femme relate la marginalisation que subissent plusieurs femmes dans cette partie du pays juste parce qu’elles sont des femmes et n’ont pas droit aux terres léguées par leurs parents.

Selon Mme Dang, plusieurs femmes qui deviennent veuves et veulent se réfugier par la suite dans la maison familiale sont souvent chassées, car elles n’ont plus rien de ce côté, tout comme dans les familles de leurs feus époux. Des situations tristes et précaires qui justifient le bien-fondé de ce projet qui met du baume au cœur.

Au cours de son témoignage, elle a remercié « Horizons Femmes » qui a joué un rôle clé à travers les nombreuses formations qui l’ont permise de connaitre quelles sont les démarches à entamer lorsqu’on est victime de ce type de situation. Grace à ce projet, elle a été outillée pour faire face à ses frères, dit-elle.

Mme Dang Angeline souligne toutefois qu’il est important que les autorités accompagnent davantage les femmes pour que celles-ci ne se sentent plus marginalisées à cause des us et coutumes.

Elle dit : « Nous avons hérité de quelque chose de nos parents qui disaient que les filles ne peuvent pas hérites des biens, et ceci a infecté toutes les familles au point où une femme reste sans repère. On dirait que c’est la femme qui choisit de naitre femme dans une famille, ou alors c’est le parent qui choisit le sexe de l’enfant avant de naitre. C’est un véritable problème et c’est ceci qui fait qu’avec l’arrivée d’Horizons Femmes, beaucoup de choses ont changé. Il fallait d’abord aller sur le terrain, commencer à sensibiliser et ce n’est même pas facile parce que certaines femmes restent encore réticentes de nos jours, elles ont peur des représailles dans leurs familles…Il est important de mettre un accent sur les enseignements d’équité, d’égalité et de changement de comportement. »

Cependant, le projet mis en place dans ce département comme dans plusieurs autres, va bon train.

Les autorités en charge des questions de la femme telles que le Délégué département de la promotion de la femme et de la famille dans le Mbam et Inoubou a, à son tour relevé que plusieurs mécanismes ont été mis sur pieds pour accompagner les femmes dans les procédures liées à l’accès à leurs terres.

Charles Mbarga Amougou indique que : « nous sommes au service du peuple. Et lorsque nous avons certaines situations de ce genre nous accompagnons les femmes à saisir les autorités administratives pour certaines facilités liées aux descentes sur le terrain. Nous ne nous arrêtons pas juste aux procédures administratives, nous allons jusqu’à sensibiliser les femmes sur le sujet car il est dit que mon peuple péri faute de connaissance. Alors nous enseignons aux femmes qu’elles ont autant les mêmes droits que les hommes en ce qui concerne la terre… »

Cette rencontre animée par des échanges et le partage des « sucess stories », par Monsieur Ticke Armand, Responsable suivi et évaluation de l’ONG Horizons Femmes, a donné lieu à un partage d’expériences, notamment avec les cas de certaines femmes dans le département du Mbam et Inoubou.

Dans sa prise de parole, Carole Toche, Chef de projet et Directrice des Programmes à Horizons Femmes, a souligné l’importance de ces activités de la phase 2 du projet qui se veut être une rencontre de terrain avec toutes les femmes et les acteurs qui œuvrent pour son bon déroulement.  Et tel que l’a indiqué Mme Toche, l’idée est de toucher davantage ces personnes qui vont faire avancer le plaidoyer pour un impact plus positif.

D’après le Chef de projet, par ailleurs Directrice des Programmes, il est plus que nécessaire de faire appel à une mobilisation accrue, sensibiliser les femmes notamment les veuves et lutter contre la marginalisation dont celles-ci sont victimes.

Carole Toche dit : « Ce projet s’inscrit dans la continuité de notre engagement stratégique en faveur de la promotion des droits fonciers des femmes et des veuves, et plus largement dans notre Axe stratégique n°3, qui vise l’autonomisation des femmes et des jeunes filles à travers la réduction de la pauvreté, la promotion de la sécurité alimentaire et le développement de l’économie solidaire. Malgré leur contribution essentielle à l’agriculture, à l’élevage et à la gestion des ressources naturelles, les femmes camerounaises demeurent massivement marginalisées dans l’accès à la propriété foncière. Ce paradoxe, où celles qui travaillent et entretiennent la terre n’en sont que rarement propriétaires, constitue une des injustices les plus persistantes et les plus invisibles de nos sociétés. »

Dans son discours, il a été également question de mettre en vitrine les progrès significatifs de ce projet.

Elle dit : « Depuis le lancement de la phase 2 du projet, nous avons enregistré plusieurs résultats encourageants : la signature de trois cadres de collaboration avec les Gouverneurs des Régions concernées, témoignant d’un engagement institutionnel fort ; la réalisation d’une étude de référence, ayant permis une meilleure compréhension des enjeux fonciers spécifiques aux femmes et veuves ; la formation de 100 acteurs communautaires, parmi lesquels des para-juristes et des femmes leaders, pour soutenir la sensibilisation et le plaidoyer au niveau local ; la sensibilisation de plus de 3 000 personnes, dont 2 074 femmes, à travers des causeries éducatives et des rencontres communautaires ; la tenue de séances de plaidoyer auprès des Sous-Préfets et des Chefs traditionnels, pour lever les barrières identifiées et faciliter l’accès des femmes à la terre  et l’accompagnement technique et financier de près de 300 femmes dans leurs démarches d’obtention de titres fonciers, dont une centaine a déjà pu les obtenir. »

Toutefois Carole Toche a relevé que ce projet connait quelques obstacles tels que les socioculturelles ; la législation foncière peu appliquée et le déficit d’information pour ne citer que ceux-ci.

Ouvrant officiellement l’atelier et les échanges, le Représentant du Préfet du Mbam et Inoubou a salué les résultats palpables de ce projet ainsi que son impact positif, et qui se font ressentir depuis des mois sur le terrain.

Prenant la parole en lieu et place du Préfet, le 2eme Adjoint Préfectoral, Ali Dan Ladi a indiqué que la tenue de cet atelier départemental démontre à suffisance les enjeux et défis auxquels sont confrontés le Mbam et Inoubou en terme de défit fonciers persistants dans les communautés.

Il a souligné le fait que la législation nationale garantie l’égalité de tous les citoyens sans distinction de sexe, en matière d’accès de mobilité foncière.

Monsieur Dan Ladi dit : « Cependant sur le terrain, les femmes continuent de faire face à de nombreuses barrières. Les traditions restent actives, les stéréotypes de genre, les lenteurs administratives et les coûts élevés liés à l’obtention des titres fonciers. Ces obstacles freinent l’inclusion des femmes dans la gestion des ressources foncières alors qu’elles jouent un rôle fondamental dans l’agriculture, la gestion du terroir et le développement communautaire… »

Dans ses propos il n’a pas omis d’indiquer que le Président de la République, Paul Biya a fait de l’accès équitable a la terre un enjeu prioritaire du développement et de justice social. D’où l’engagement des autorités administratives sur le terrain à faire respecter ces prescriptions du Chef de l’Etat.

Le chef de terre a aussi cette occasion pour appeler les chefs traditionnels et tous les leaders communautaires à être neutres, et à jouer pleinement leur rôle dans les litiges fonciers où ces derniers sont appelés à être des juges et arbitres lorsque les populations viennent vers eux.

Ces ateliers départementaux qui vont se poursuivre dans les régions du Littoral et de l’Ouest se veulent être une réponse aux multiples pesanteurs culturelles, les discriminations juridiques et les pratiques patriarcales qui sévissent dans plusieurs parties du pays ou les femmes sont réduites a des ménagères et des gardiennes de maisons.

Elise Kenimbeni

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