Les défenseurs des Droits Humains au Cameroun appellent à briser le silence face aux nombreuses violations que subissent les populations clés.

 

 

Alors que des voix s’élèvent de plus en plus au quotidien pour dénoncer les nombreux abus et cas de violences dont sont victimes les personnes vulnérables, populations clés ou «key populations », les défenseurs des droits humains au Cameroun veulent briser le silence.

 Hormis le 15 juillet, journée dédiée aux défenseurs des droits humains, ces défenseurs des sans voix le font savoir à travers des ateliers, séminaires et réunions d’échanges qui portent sur les questions de  droits humains. Les défenseurs ne cessent de pousser des cris de détresse et interpellent le gouvernement sur leur situation en général.

Pour ces acteurs des droits de l’homme, briser le silence au départ dans les foyers, en communauté et dans l’environnement aiderait à faire des pas d’éléphant pour promouvoir les droits humains.

Le Directeur Exécutif de Humanity first Cameroun, Jean Paul Enama, fervent défenseur des droits humains fustige les nombreuses arrestations arbitraires que subissent ces acteurs au Cameroun. Le cas de l’activiste décédé en 2013, Eric Ohena Lembebe qui est au centre de cette journée dédiée à ces défenseurs ne saurait être négligé le  rappelle-t-il. Une affaire qui jusqu’ici a été classée sans suite alors que ce dernier aurait subi des tortures et ensuite retrouvé assassiné dans son domicile souligne-t-il.

Nickel Kamen Liwandi, défenseur des droits humains se souvient encore de l’arrestation d’environ 25 jeunes dans un vidéo club de la ville de Yaoundé en 2018. Ces derniers selon lui ont été accusés de regarder des films à caractère sexuel. Ils ont été enfermés dans différents commissariats de police et les négociations n’étaient pas faciles.

Nickel dit : « Il a fallu négocier cas par cas. Ça été une situation difficile parce qu’il fallait réussir à trouver des commissaires de police plus ouverts et à qui nous avons présenté des vices de procédures et vices de formes et qui comprenaient comme il n’ya pas eu de respect de procédures il fallait libérer les personnes. Autre chose, il y’a d’autres qui étaient réfractaires et qui savaient que derrière ce types d’arrestations ils devaient se faire beaucoup d’argent. Nous avons dû mobiliser un grand nombre d’alliés et il a fallu beaucoup de plaidoyers de couloirs d’ensemble. »

Étant membre de la plateforme Unity et par ailleurs Directeur Exécutif de la Cameroon foundation for Aids (Camfaids), Nickel Kamen Liwandi soutient le fait que la faible appropriation du concept des droits humains au Cameroun surtout par les forces de maintien de l’ordre est l’un des maux qui minent les actions de ces défenseurs des droits humains.

Il indique la nécessité d’une mise en place d’un cursus sur les droits humains dans le cadre de la formation des forces de l’ordre. Un plaidoyer qui s’ajoute d’ailleurs aux nombreux autres véhiculés par ces acteurs de la société civile. Ils estiment que le gouvernement devrait également revoir des textes qui encadrent les droits humains au Cameroun. Beaucoup de vides en matière de textes restent à combler soulignent -ils.

Le rôle des défenseurs des droits humains est pour la plupart du temps très mal perçu tel que le souligne Nickel. 

Il dit : « Il y’a cette idée qui anime beaucoup d’esprits. Beaucoup pensent que lorsque vous défendez les droits humains c’est pour promouvoir un ordre social ou qu’il y’a quelqu’un derrière vous ou encore c’est pour déstabiliser l’État. Lorsque que j’ai un membre du gouvernement ou une autorité devant moi, je leur dit qu’un climat des droits humains propice  rassure les investisseurs. Les investisseurs ne viennent pas dans un pays où ils risquent tous le temps d’être victimes des violations des droits humains. Ou s’il doit faire venir un personnel expatrié, ce personnel expatrié peut tomber sur des lois qui sont discriminantes et pour eux ce sera difficile d’investir au Cameroun parce que la situation des droits humains est liée à la confiance que les investisseurs ont dans un pays…Il est du devoir du Cameroun d’améliorer l’environnement des droits humains ce qui permet d’avoir une image plus reluisante et attirer plusieurs touristes…»

D’autres acteurs ajoutent le fait que les défenseurs des droits de l’homme sont des leviers de développement qui accompagnent les gouvernants dans leurs activités.

« Le défenseur des droits de l’homme est celui-là qui défend les personnes marginalisée et défavorisées…Le défenseur des droits de l’homme n’est pas celui qui travaille contre l’État mais avec l’État pour garantir justement les droits humains et de libertés en général » dixit Yves Patrick Tonkeu, responsable droits humains à l’ONG Humanity First Cameroon.

Selon Abanda Naga de l’association Empower Cameroon, il y’a un aspect qui mine la promotion des droits humains. C’est aspect est celui de la stigmatisation au sein de la cellule familiale qui est une véritable épine en matière des droits humains surtout lorsque cette personne est jugée être l’opposé des autres membres de sa famille.

«  Au-delà des entraves policières il y’a ce rejet familial et les stigmatisations et discriminations que subissent ces populations clés au quotidien » dit-il.

Les violations des droits humains qui sont de tout ordre devraient être traitées à tous les niveaux notamment à la base dans les ménages. Winnie Eyono qui milite pour les droits humains dit que le volet violences basées sur le genre(VBG) est une souche à ne pas négliger. De par son expérience, les femmes sont beaucoup exposées.

La chargée VBG à l’association Sourire de femme dit : « Lorsqu’on fait connaitre par exemple aux femmes leurs droits, nous leur faisons savoir qu’elles n’ont pas de droit de subir des violences et certains hommes nous traitent de rebelles. Ils disent que nous rendons leurs femmes insoumises et que nous ne voulons pas qu’elles écoutent leurs points de vue. Et il y’a ce phénomène dehors. A chaque fois que nous rencontrons des victimes des violences basées sur le genre, les familles de celles-ci sont réticentes. Lors des causeries  avec des victimes que nous allons rencontrer, nous sommes parfois chassées. Certains nous traitent même de sectaires»

S’appuyant sur l’article premier de la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 qui stipule : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » les défenseurs des droits humains promeuvent ce principe pour renforcer davantage leurs actions sur le terrain.

Au-delà de plusieurs plaidoyers entrepris jusqu’ici et ceux en gestation, les défenseurs des droits humains insistent sur la formule de briser le silence à tout prix. Cette formule disent-ils est l’une des panacées trouvées afin de réduire les nombres des cas croissants. Par cet acte, ces acteurs de la société civile veulent apporter un nouveau souffle à leurs statuts et conditions de vie en tant qu’êtres humains et avec des droits bien reconnus tels que l’indique la déclaration universelle des Droits de l’Homme et de liberté.

 

 

 

 

 

 

 

 

Elise Kenimbeni

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