Environment

Malheur des Bakas: Ils Parlent!

Réactions

 

Sa Majesté Zengle Ntouh Richard, maire de la Commune de Mindourou

« Il y a un ensemble d’actions que la Commune mène en faveur des populations »

 

 

 

Il n’y pas à proprement parlé, un programme spécifiquement Baka au niveau de la Commune. Il y a un ensemble d’actions que la Commune mène en faveur des populations.

De façon spécifique pour le Bakas, nous mettons l’accent sur l’éducation. Nous travaillons dans le domaine de la santé avec une organisation non gouvernementale qui coopère avec nous. La mairie travaille avec certaines organisations pour ce qui est de la santé des Baka et pour ce qui est de l’éducation des jeunes Bakas. Au-delà, la Commune a des programmes au bénéfice des populations. Ils visent l’élévation du niveau de vie des populations à travers leur implication dans les activités agropastorales. Nous avons ici un bureau de l’animation rurale de l’organisation de l’agriculture (Baroa) qui s’occupe du recensement et de l’encadrement des agriculteurs. Nous mettons en place des pépinières, des cacaoyers et des palmiers à huile, où toutes les populations intéressées peuvent aller prendre. Nous donnons l’hectare à 5 000 fcfa, mais aux Bakas, nous donnons gratuitement.

 

Avec l’Ong Fairmed, on a mis en place des mutuelles de santé qui ont connu des fortunes diverses. Ce sont ces mutuelles qui soignaient gratuitement les pygmées Bakas qui contractent de nouvelles maladies.

 

Pour ce qui est de l’éducation, nous prenons en charge tous les enfants Baka qui vont à l’école, que ce soit l’enseignement primaire, que ce soit l’enseignement secondaire. C’est un programme que nous engageons avec le programme national de développement participatif (Pndp).

 

L’effectif est très réduit. Vous savez que les Bakas étaient nomades au départ. Ils vivaient des activités de pêche, de chasse et de cueillette artisanale. Ils ont été sédentarisés ; ce qui a modifié leur mode de vie. Leur nomadisme se faisait au gré des saisons, selon les mouvements des gibiers, et selon la production des produits forestiers non ligneux. Ils pouvaient donc aller d’une forêt à une autre. Maintenant qu’ils sont sédentarisés, ils continuent à faire la chasse dans leur environnement. Avec l’entrée en jeu de la modernité, de l’exploitation forestière qui a ouvert les routes partout, le braconnage s’est accentué, la faune a été décimée. Les premières victimes de ces changements et autres bouleversements, ce sont les pygmées Bakas. En réalité, il y a aujourd’hui une poignée de Bakas qui se livre à l’agriculture à titre personnel. Ce que nous constatons est que les Baka servent de main d’œuvre aux Bantous moyennant une rémunération infime. Nous avons dans le campement Dassia, cinq ménages qui pratiquent réellement l’agriculture. Dans tous les campements, on trouve beaucoup plus les Bakas qui font l’élevage des petits bétails et de la volaille. Pour ce qui est de l’agriculture, nos frères sont quelque peu réfractaires aux pratiques agricoles modernes. Toutefois, il y en a qui l’exercent. Seulement, ces cas sont marginaux.

 

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Oloa Nadège, conseiller municipale à la Commune de Lomié

« Nous avons un programme pour les Bakas, mais il n’est pas basé sur l’alimentation »

 

 

Pour leur adaptation, nous avons un programme pour les Bakas, mais il n’est pas basé sur l’alimentation. Il a trait au développement, à la santé et à l’éducation. Nous encourageons l’agriculture chez les Bakas ; nous leurs octroyons du matériel comme les machettes, les houes, lors des célébrations comme le 8 mars ou fête de la femme rurale. Nous les en valeurs des produits forestiers non ligneux.

 

En ce qui concerne les projets en faveur des bakas, au départ, c’était difficile. Aujourd’hui, avec les résultats sur le terrain, on retrouve les femmes Bakas au marché. Dans les campements, vous trouvez des régimes de plantain ou un seau de macabos en vente.

 

Les femmes Bakas n’ont pas de comptoir au marché. Elles arrivent très tôt le matin parce qu’elles sont matinales. Elles exposent, vendent ou livrent aux Bayams sellam puis elles repartent.

 

Les Bakas sont exposés à l’alcool. Face à ce phénomène qui prend de l’ampleur, nous essayons de les sensibiliser puisque nous avons des cas de maladies selon les informations que nous donne l’hôpital. A tout moment, nous sommes interpellés. La semaine dernière, nous avons été interpellés par rapport au fait qu’une dame a été victime de violence. L’alcool en était la cause, nous a-t-on dit. Nous les sensibilisons. Nous ne pouvons pas les contenir puisqu’ils ont leurs propres moyens. Ils vendent leurs produits champêtres, ils vendent les produits de la foresterie puisque nous avons déjà les Bakas scieurs. C’est une tâche compliquée pour nous.

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Félix Zogo Ndzomo, anthropologue

« Lorsque vous changer une personne (…) vous faites à cette personne du mal »

 

 

 

Ce sont les plus anciens habitants de l’Afrique. Ils sont les maîtres méconnus de la tradition africaine. Ils sont les maîtres de la civilisation de l’ancienne Afrique et de l’Afrique actuelle. Ils sont désignés par les noms comme Toua, Aka, Baka, Bongo, Bhouti en fonction de la région où on se trouve exactement. Les anciens Égyptiens les désignaient par le terme venec qui signifie danseur. On ne les considérait pas comme des hommes de petite taille. Ils sont connus dans la mythologie égyptienne.

 

Vouloir changer les pygmées, c’est décroître la valeur que les pygmées ont de la vie humaine, c’est décroître le savoir que les pygmées détiennent. Lorsque vous changez une personne, lorsque vous voulez qu’elle soit comme vous, vous faites à cette personne du mal. Les pygmées vont obligatoirement oublier le savoir ancestral dont ils disposent et que nous n’avons pas. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous allons chez eux lorsque nous sommes victimes d’un certain nombre de malheurs. Nous allons rechercher le réconfort, le savoir, la santé chez les pygmées. Amener les pygmées à devenir des vendeurs, de grands cultivateurs, et donc, des gens qui ont soif d’argent, ils seront des esclaves au lieu d’être des maîtres qu’ils ont été longtemps dans l’écosystème. Le faire, pour moi, c’est dénigrer tout le savoir, toute la continence que les pygmées ont de la vie du monde. Ce sont à l’heure actuelle les vrais dépositaires sur terre de la vie humaine. C’est vouloir faire retourner les pygmées dans un capitalisme sauvage et entrer dans une mondialisation qui ne prend pas en compte les communautés et le savoir des communautés à partir de leur endogénéité.

 

Cette manière de pensée a d’abord tué le reste de l’Afrique. Et si nous-même, nous mettons cette colonisation sur les pygmées, nous ne serons pas seulement en train de les coloniser, mais de les exterminer. Comme je venais de le dire, laissons les pygmées vivre dans leur biotope et allons, nous, chercher le savoir. Au lieu de les ramener vers nous, nous devons plutôt aller vers eux. Ils détiennent le savoir, ils sont proches des divinités.

 

 

Quant à la nutrition, elle a beaucoup de pans. Elle nous aide à rester en vie. Elle a également beaucoup de fonctions. Elle a une fonction sociale, elle a une fonction physiologique, elle a une fonction spirituelle. Il y a par exemple une nutrition liée à votre culture. Pour aller plus loin, il y a des aliments culturellement consommables et des biologiquement comestibles. C’est-à-dire certaines nourritures sont agréables, sont bonnes, ne sont pas nocives pour le corps, pour la chair. Mais elles ne sont pas appropriées. C’est ce qu’on appelle le biologiquement comestible. Mais culturellement consommables, ce sont les aliments qui ont été légués dans le temps par certains qui sont de plus en plus utilisés ou usités.

 

 

La transformation des pygmées n’est pas uniquement liée à la seule évolution physiologique si nous rentrons dans leur nutrition. Le changement de méthode nutritive va obligatoirement avoir un impact dans plusieurs domaines de leur vie.

 

De nouvelles nourritures, manger des boîtes de conserve, manger des nourritures au sein des autres communautés va disloquer l’esprit communautariste qui existe chez les pygmées. On va constater un déséquilibre sur le plan physiologique, spirituel et social. Le changement de paradigme, de comportement nutritionnel va nécessairement provoquer un déséquilibre fondamental, total, dans leur environnement.

 

Il faut savoir que l’homme à une double composante : il est psychosomatique, il est esprit et chair. Lorsque que vous ne vous occupez que de la partie charnelle, et que vous abandonnez votre partie spirituelle, vous êtes dans la dépendance ou la dépravation totale. Vous ne pouvez pas vous considérer comme un être divin. D’où l’idée de revoir notre manière de penser les pygmées qui sont les vrais protecteurs de notre environnement.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Hervé Ndombong

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